Questions d'environnement

Trafic de félins: pourquoi la mode des servals de compagnie n'est pas chic du tout

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C'est une mode alimentée par les réseaux sociaux : des stars, des influenceurs et même de simples citoyens, en Occident et dans les pays du Golfe, trouvent très chic de s'afficher sur leur canapé avec un serval. Ce félin sauvage au corps tacheté et élancé qui peut courir à 80 kilomètres par heure, bondir à trois mètres de haut et dont l'ouïe remarquable, grâce à de grandes oreilles, fait de lui un chasseur redoutable dans la savane africaine n'a pourtant rien à faire dans un appartement.

Un serval au zoo de Saint-Martin-La-Plaine en France, mars 2024.
Un serval au zoo de Saint-Martin-La-Plaine en France, mars 2024. © AFP/Jeff Pachoud
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« Après les macaques d'Afrique du Nord, les lionceaux et tigreaux, la convoitise des amateurs d'animaux exotiques se porte depuis plusieurs années sur d'autres félins africains : les servals et les caracals », explique Jacky Bonnemains, directeur de l'association environnementale Robin des Bois. Cette mode n'est en réalité pas chic du tout car elle favorise le trafic illégal d'espèces protégées. Elle est désastreuse pour la santé et la vie de ces animaux sauvages et elle peut être dangereuse pour celles et ceux qui achètent ces félins plusieurs milliers d'euros sur internet.

En France, le rappeur Gims postait en 2023 une vidéo de lui, donnant le biberon à un bébé caracal, un autre félin africain victime du trafic. Ailleurs dans le monde, de nombreux comptes, notamment aux États-Unis et en Russie, mettent en scène des servals de compagnie en laisse ou parés de collier de perles. « Certains sont même exploités dans des discothèques », ajoute Jacky Bonnemains. Et les refuges pour animaux sauvages le constatent en France par exemple : depuis la pandémie, la police leur amène de plus en plus de servals, saisis pour détention illégale. « Depuis deux ou trois ans, on a reçu une quarantaine de servals », indique Pierre Thivillon, de l'espace zoologique Saint-Martin-La-Plaine.

Importation illégale et effets sur la santé des animaux

Importer un de ces félins africains est très règlementé en France. Il faut un certificat spécial, donner la preuve de certaines aptitudes. Ce sont plutôt les zoos ou les refuges qui peuvent le faire. Beaucoup des animaux destinés aux particuliers entrent donc de manière clandestine : prélevés en Afrique, transportés dans des conditions déplorables, ou bien élevés illégalement dans des pays européens et introduits en France comme s'ils étaient des chats Savannah. Le chat Savannah est un animal hydride à la mode, obtenu par croisement entre un serval et un chat domestique. En France, ce n'est qu'à la cinquième génération, quand l'animal n'a plus que 5% du patrimoine génétique de l'espèce sauvage, que c'est autorisé, mais la règle est détournée.

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En quoi la santé de ces animaux est-elle mise en péril ? Le serval n'est pas un chat, pas un jouet. C'est un animal sauvage qui a besoin de courir dans de grands espaces. C'est un prédateur carnivore qui se nourrit d'oiseaux, de rongeurs, de lapins dont ils broient et mangent les os, parfois les abats, en plus de la chair crue. Ces différents éléments sont nécessaires à son équilibre. Chez ces particuliers peu scrupuleux, le serval est souvent nourri avec des aliments inadaptés, des croquettes pour chats voire « des avocats et des fromages industriels », se souvient Pierre Thivillon pour un individu accueilli dans sa structure. Cela entraîne de graves problèmes de santé pour ces animaux, témoigne Antonin Boutibou, chef vétérinaire au refuge La Tanière, près de Chartres, qui accueille des servals saisis par la justice.

« Les animaux que l'on recueille ont souvent des os qui peuvent se fracturer assez facilement, des problèmes de faiblesse générale, ils sont rachitiques, la peau sur les os, souvent leurs dents se délogent car ils n'ont pas reçu les bonnes vitamines, les bonnes conditions de croissance ou d'alimentation... De mauvaises croquettes ont été données et les reins sont les premiers affectés, le foie aussi », détaille ce spécialiste de la faune sauvage.

Dans les élevages illégaux, la consanguinité donne aussi naissance à des individus à la santé fragile. Et l'accouplement entre un serval ou un caracal et un chat domestique, puis la gestation sont dangereux pour ces espèces. « Les chattes se retrouvent à porter des petits beaucoup trop gros pour leurs corps », explique le vétérinaire.

À quoi s'exposent les humains ?

Sans parler des sanctions judiciaires – en France, le délit détention illégale est passible de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, celles et ceux qui participent au trafic s'exposent « à des maladies, certaines mortelles, car ces animaux ne sont pas vaccinés », souligne Antonin Boutibou. Et même croisé plusieurs fois, le serval reste un animal sauvage qui, à tout moment, peut attaquer.

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