CSRD: pourquoi ce rapport européen de durabilité fait débat?
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« Enfer pour les entreprises » ou avancée réglementaire à ne pas remettre en cause. La CSRD fait débat. La question d’un éventuel assouplissement de cette directive européenne sera au menu d’un Conseil des ministres de l’Économie et des Finances, ce mardi 18 février à Bruxelles.

La Corporate Sustainibility Reporting Directive, CSRD de son petit nom, c’est une directive européenne adoptée en 2022 qui impose progressivement aux entreprises de fournir un rapport extra-financier sur leurs données sociales et environnementales. Par exemple, elle peut être amenée à mentionner ses impacts sur la biodiversité, son incidence sur le climat et inversement les conséquences du réchauffement climatique sur son activité. Par rapport à un dispositif précédent, la CSRD concerne davantage d'entreprises et doit harmoniser les informations divulguées. Objectif : pouvoir les comparer, guider les investisseurs et aider les entreprises. La CSRD est un « outil qui va nous aider à piloter un peu mieux nos ambitions environnementales, sociales et sociétales », explique à l’AFP Laurent Berger, en charge aujourd'hui de ces sujets au sein de l'alliance fédérale du Crédit Mutuel. L’ancien patron de la CFDT y voit une « contrainte nécessaire et utile ».
Cette contrainte se concrétise en 2025. Les premiers rapports des plus grands groupes doivent être publiés à partir des données récoltées sur l’année 2024. Les PME cotées disposent d’un délai supplémentaire de deux à quatre ans.
Mais, ce nouveau rapport est loin de ravir toutes les entreprises. Le Medef, ses homologues allemands de la BDI et italiens de la Confinsdustria réclament un assouplissement depuis novembre à la Commission européenne.
Loi omnibus
Un vœu en voie d’être exaucé. Dans une loi dite omnibus, dont la présentation est annoncée pour la semaine prochaine, la Commission souhaiterait modifier plusieurs directives votées lors du mandat précédent : dont celle sur le devoir de vigilance (officiellement affublé d’un autre acronyme : la CSDDD ou encore CS3D), la taxonomie verte et la CSRD.
Si le contenu de cette loi omnibus est encore flou, Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne a annoncé sur France Inter, un « choc de simplification massif ». Alors, Olivier Guérin, chargé de plaidoyer à Reclaim Finance, craint cette remise en cause. Cette loi « présente un risque sur l'instabilité réglementaire. Les acteurs financiers qui veulent faire des choix ont besoin de savoir sur le long terme ce qui va se passer », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Le second risque, c'est sur le contenu de la loi. On est parti apparemment pour supprimer de nombreux points de reporting. Cela veut dire simplifier les exigences pour les plans de transition, donc les entreprises n'auront plus autant d'informations à fournir pour montrer qu'elles sont vraiment alignées avec l'accord de Paris ».
Le chargé de plaidoyer à Reclaim Finance estime que « les groupes patronaux essaient de rouvrir une partie de la CSRD et de la directive sur le devoir de vigilance parce que le nouveau parlement européen est plus conservateur et qu’ils pourraient gagner davantage qu’avec le parlement précédent ».
« Délire bureaucratique »
Mais alors, que lui reprochent ces entreprises ? Certaines d’entre elles et certains dirigeants politiques l’accusent d’être trop complexes. Le directeur général de la BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, dénonce un « délire bureaucratique » et des patrons craignent que cela affecte la compétitivité. Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement français, évoque même un « enfer pour les entreprises ». D’où cet appel à la simplification. Mais, « on utilise la simplification comme arme rhétorique alors que le fond de ce qui se joue dans cette loi omnibus, c'est de renoncer à des avancées réelles qui ont été obtenues sous la mandature précédente, » estime au contraire Marie Cohuet, co-présidente des Amis de la terre-France.
« Trajectoire »
Par ailleurs, toutes les entreprises, y compris des grands groupes ne livrent pas bataille contre cette CSRD. Certaines se sont préparées.
Et « pour le moment, il n'y a pas de sanction à ne pas le produire. On est sur une espèce de galop d'essai »,explique Eric Delannoy, président de Tenzing conseil. Et d’expliquer que cela ne sera pas si grave si le rapport de cette année n’est pas parfait : « Comme on est sur un référentiel extrêmement détaillé, une entreprise n'a pas toutes les données pour évaluer ses impacts. Cela va venir avec le temps, donc il y a un enjeu de pouvoir qualifier et de construire la donnée qui permettra de nourrir les rapports. C'est pour cela que pour le moment, on est plutôt sur des entreprises qui vont commencer à identifier leurs grands impacts de manière à construire des premiers rapports de durabilité. Sur ces premiers rapports, il n’y aura pas de grande surprise à vrai dire. Simplement, avec le temps, cela va s'affiner et cela va se complexifier. Il faut rappeler que la CSRD n'a de sens que dans une logique de trajectoire ». Eric Delannoy encourage les entreprises à ne pas voir dans la CSRD un obstacle de taille mais plutôt un moyen de « prendre conscience de leurs impacts ». D’ailleurs, « certaines entreprises qui ne sont pas soumises à la CSRD viennent nous voir car elles souhaitent utiliser ce référentiel commun pour travailler à leur stratégie RSE (ndlr: responsabilité sociale et environnementale) », témoigne encore le président de Tenzing conseil.
Cela dit, certaines données à fournir ne lui paraissent pas adéquates pour toutes les entreprises. Impact France, le mouvement patronal qui entend promouvoir un entreprenariat social et écologique souhaite aussi certaines simplifications mais « sans sacrifier l’ambition » de la directive.
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