Questions d'environnement

Comment décarboner le livre papier?

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Pour freiner le réchauffement de la planète et sa cohorte de catastrophes meurtrières, il faut émettre moins de gaz à effet de serre. Tous les secteurs économiques s’y mettent, y compris la culture. En cette rentrée littéraire, RFI se pose donc la question d'environnement suivante : comment réduire les émissions carbone du livre ?

Une paire de lunettes posée sur un livre papier.
Une paire de lunettes posée sur un livre papier. © GettyImages/aloha
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60 % des émissions carbone du livre papier viennent de la fabrication du papier : transformer des arbres coupés en pâte à papier, puis en immenses feuilles de papier.

Deuxième source d’émissions de gaz qui contribuent au réchauffement climatique, le transport de ce papier vers les imprimeurs, cela compte pour 10 %. En Europe, ce transport se fait surtout par la route. Les usines à papier qui fournissent la France, par exemple, sont situées en Italie, en Allemagne et pour beaucoup en Scandinavie.

Enfin, pour fabriquer les encres et faire tourner les rotatives pour imprimer les livres, il faut de l’énergie. Ce sont souvent des énergies fossiles donc là aussi, il y a des émissions.

Est-ce que ces émissions pèsent lourd ?

Le livre ne fait pas partie des activités humaines les plus responsables du changement climatique, certes, mais réduire ces émissions carbone est stratégique pour le secteur, car il est vulnérable aux effets du changement climatique. « Là où j'émets, c'est souvent là où je suis fragile », explique Benoît Moreau. Aujourd’hui à la tête de l’entreprise Ecograff, il travaille sur les problématiques environnementales dans l’industrie graphique depuis 2006.

« Au niveau du bois en Europe, on voit les problématiques d'incendies, les problématiques de parasites - dans tout l'est de la France, il y a des scolytes qui ont attaqué les forêts » donc le bois sera moins disponible, détaille-t-il. « Il y a aussi une problématique d'usage, c'est-à-dire que le bois dont on fait aujourd’hui du papier, on peut aussi l’utiliser pour faire de l'énergie, donc on va avoir un problème de disponibilité ». Même chose au niveau de l'accès à l'eau, qui sera de plus en plus compliqué. « Il y a donc de grosses fragilités pour le secteur, cela veut dire qu'il y a tout un travail à faire pour optimiser la consommation de papier. »

Réduire le gaspillage de papier et le nombre de livres invendus

Le premier levier pour décarboner le livre, c’est donc de fabriquer des livres avec moins de papier. Réduire les pertes de papier qu'il y a actuellement à chaque étape : à l'impression, au pliage, à la coupe et au reliage. Et réduire le pilon : aujourd'hui 20 % des livres produits ne sont jamais vendus et sont détruits. Ils ont juste été promenés entre les distributeurs, les centres de stockage et les libraires, sans jamais trouver preneur ou preneuse.

Pour freiner cette sur-fabrication, une piste consiste à lancer des réimpressions d'exemplaires au juste besoin, au fil de la demande. Cela s’appelle le Tirage Court Dynamique. Cela veut dire réimprimer un livre déjà sorti par bloc de quelques centaines voire dizaines d’exemplaires, en fonction de la demande. Et pas 1 000 exemplaires d’un coup, comme on le fait actuellement, car cela oblige à dépenser de l’énergie et à artificialiser des zones naturelles pour stocker des ouvrages qui ne seront peut-être jamais vendus.

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Surabondance de nouveautés

Autre défi : la surabondance de nouveautés. Les éditeurs le reconnaissent, depuis une quinzaine d'années, c'est la course à toujours plus de nouveautés. 80 000 nouveaux titres sortent chaque année en France, dont de très nombreux livres de reproduction, explique Fanny Valembois, du Bureau des Acclimatations. Ce collectif travaille sur les transformations écologiques de la filière culture. « Il y a quelques années, un libraire m'avait dit 'non mais regarde, moi en rayon, j'ai quatre titres déjà sur la cuisine à la plancha' et donc je m'étais amusée à compter le nombre de références disponibles ce jour-là. Sur la cuisine à la plancha, j'avais trouvé 57 références différentes. Est-ce que 57 titres différents sur la cuisine à la plancha, c'est de la création ou est-ce que c'est de la reproduction industrielle pour occuper les tables des libraires ? », interroge-t-elle.

Pour Fanny Valembois, pas de doute, à cause de cette frénésie, chaque livre est tiré à moins d'exemplaires, chaque auteur est moins rémunéré et tout cela contribue à « invisibiliser la création qui n'a plus la place d'exister dans ce marché-là », affirme-t-elle.

Donner de la valeur à la lecture

Autre piste pour réduire l'empreinte carbone du livre : aujourd'hui, le système économique de l'édition et la rémunération des auteurs sont basés sur la vente d'un livre, pas sur le fait qu'il soit lu. Demain, pour moins gaspiller et mieux rémunérer les auteurs, on pourrait payer pour lire un livre, pas pour le posséder.

En plus des bibliothèques, des lieux de location de livres existent en Inde, aux États-Unis, en Suède. C'était aussi le cas en France aux XVIIIème et XIXème siècles. En cette rentrée, plusieurs librairies vont l'expérimenter à nouveau en proposant un abonnement payant à leurs clients pour lire une dizaine de livres sélectionnés et n'en conserver qu'un seul à la fin.

Quant à vous, lecteurs et lectrices, vous pouvez d’ores et déjà donner de nouvelles vies à vos livres, en les faisant circuler.

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