Reportage Afrique

Personnes intersexes en Afrique du Sud: les ONG demandent la fin des «mutilations» à la naissance

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Les communautés intersexes dans le pays demandent depuis des années au gouvernement de bannir ce qu’elles dénoncent comme des « mutilations » à la naissance. Les enfants intersexes naissent avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux normes masculines ou féminines, et les parents peuvent parfois choisir, sans leur consentement, de leur assigner un genre, via des interventions chirurgicales. Lors d’un dialogue organisé avec des représentants du gouvernement sud-africain, les organisations de la société civile ont une nouvelle fois appelé à changer la loi afin que leurs droits soient respectés.  

Près d’1,7% de la population dans le monde, soit une naissance sur 2 000, est intersexe.
Près d’1,7% de la population dans le monde, soit une naissance sur 2 000, est intersexe. © Pixabay / Geralt
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De notre correspondante à Johannesbourg,

Comme près d’1,7% de la population dans le monde, soit une naissance sur 2 000, Dimakatso Sebidi est intersexe. Et à la naissance, des choix concernant son corps ont été fait à sa place : « Je suis intersexe, et je suis né avec les organes génitaux des deux sexes. Les docteurs ont eu, à l’époque, une discussion avec mes parents, pour leur expliquer que leur enfant est né avec un pénis et un vagin, et pour leur demander leurs attentes. Mes parents ont dit qu’ils voulaient une fille. C’est ainsi que les opérations ont commencé pour moi. J’ai fait des allers-retours à l’hôpital les six premières années de ma vie. Ils disaient que c’était pour "me réparer". » 

Dimakatso se définit aujourd’hui comme non binaire, et ne se sent ni femme ni homme. Mais ces interventions chirurgicales lui ont imposé un corps de femme : « Cette poitrine, ce n’est pas la mienne, elle a été créée par les hormones et les traitements que j’ai dû suivre. J’aurais tellement aimé ne jamais avoir subi toutes ces opérations. Les docteurs et mes parents n’avaient aucun droit. Et cela a détérioré ma santé : je dois suivre des traitements pour le reste de ma vie. Cela m’a aussi plongé dans la dépression, le stress, les idées suicidaires. Je suis né comme ça, je n’avais pas besoin qu’on me "répare" ! Être intersexe, c’est ma normalité. » 

Sans consentement, une violation des droits de l'homme

L’ONU reconnaît que de telles opérations sont des violations des droits de l’homme si la personne concernée n’a pas donné son consentement. Crystal Hendricks, présidente de l’association des personnes intersexes d’Afrique du Sud (Intersex South Africa), réclame également que chacun soit libre de prendre ses propres décisions : « J’espère qu’un jour les enfants qui naissent intersexes seront vus comme normaux, et pourront vivre une vie normale jusqu’à un âge où ils pourront décider s’ils veulent changer leur corps. Mais tout cela doit rester leur décision. » 

Pour Anastacia Tomson, médecin et activiste, un travail de sensibilisation doit aussi être entrepris auprès du personnel médical du pays : « Beaucoup de soignants en Afrique du Sud ont été conditionnés à penser que la naissance d’un enfant intersexe représente une urgence médicale. Et dans différents hôpitaux et cliniques, les docteurs peuvent parfois pousser les parents à consentir, au nom de l’enfant, à réaliser des opérations irréversibles, qui peuvent avoir des effets sur sa santé et sur sa fertilité. » 

Des représentants du gouvernement sud-africain ont affirmé avoir entendu ces revendications, et souhaitent désormais travailler sur la manière de protéger au mieux les droits des personnes intersexes. 

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