Reportage Afrique

Maurice: le Musée intercontinental de l’esclavage prend forme

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Recommandée par la commission Justice et Vérité en 2011 pour réconcilier la population avec son passé, la création d’un Musée intercontinental de l’esclavage prend forme à Maurice. De grands travaux de restauration ont lieu dans un lieu emblématique à Port-Louis. RFI vous emmène sur ce chantier historique ce 1er février qui est jour férié à Maurice.

L’ancien hôpital militaire de l’Isle de France construit sous Mahé de Labourdonnais est graduellement restauré pour abriter le Musée intercontinental de l’esclavage à Port-Louis.
L’ancien hôpital militaire de l’Isle de France construit sous Mahé de Labourdonnais est graduellement restauré pour abriter le Musée intercontinental de l’esclavage à Port-Louis. © RFI/Abdoollah Earally
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De notre correspondant à Port-Louis,

La place de l’Immigration à Port-Louis est le quartier où la vie est comme une fourmilière constamment agitée. Il est ainsi depuis toujours, tant côté terre, que côté mer. C’est du côté de la mer que plus de 300 ans d’histoire se rejouent, dans les murs du plus vieux bâtiment public de l’île, l’ex-hôpital militaire bâti en 1740 par Mahé de La Bourdonnais, alors gouverneur de l’Isle de France, comme Maurice était connu jadis.

L’historienne Vijaya Teeluck est fascinée par le lieu, sa structure et la place qu’elle occupait autrefois :

Nous sommes à l’arrière du bâtiment de l’hôpital, au XVIIIe siècle ce bâtiment s’ouvrait sur la mer. Et c’est de là que venaient tous les marins et soldats blessés pendant les guerres ainsi que des esclaves blessés en Inde. L’hôpital a abrité pendant ses guerres presque mille patients de toutes les nationalités. Ils étaient mozambicains, malgaches, français et venaient aussi de l’Afrique de l’Ouest. Il y avait aussi des marins musulmans de l’Inde du Bengale, et pour eux une cuisine spéciale avait été aménagée et qui est toujours là.

Des esclaves d’origines très diverses

C’est ici le lieu témoin de l’esclavagisme dans sa forme la plus brutale et diverse. Maurice a été une plaque tournante de la traite négrière. Celle-ci a duré près de 400 ans, en commençant par les périodes hollandaise (1598 - 1710), française (1715 à 1810) puis anglaise. L’esclavage a été aboli officiellement dans l’île le 1er février 1935 alors que l’île était sous occupation britannique (1810 à 1968). Mais ce qui rend Maurice exceptionnelle, c’est les origines très diverses des esclaves.

« L’île Maurice est le seul pays non seulement dans l’océan Indien, mais dans le monde qui a “accueilli” la plus grande diversité d’esclaves. Ils sont venus de l’Afrique de l’Est, du Mozambique, de la Tanzanie, allant jusqu’à l’intérieur du Malawi et de différentes régions de Madagascar. Les esclaves sont venus aussi de l’Inde, de Madras, de Pondichéry, de la côte de Coromandel ainsi que l’Asie du Sud-est. Maurice a reçu aussi des esclaves de Macao », explique Vijaya Teeluck.

« Il faut qu’ils soient fiers de leurs origines »

Beaucoup de descendants d’esclaves ont ainsi un arrière-grand-parent indien. Jean-François Chaumière qui a participé aux travaux du Musée Intercontinental de l’esclavage est issu de cette mixité que les Mauriciens et les visiteurs pourraient découvrir au musée. 

« Je voudrais que ce musée soit véritablement un instrument pour ceux dont les familles ont été victimes de l’esclavage, qu’ils viennent découvrir dans ce musée leur histoire, parce que l’esclavage pour les enfants et pour les descendants des esclaves, c’est quelque chose de tabou. C’est quelque chose qui a été refoulée de tout temps, dont on ne parle pas. Il faut que cette partie de la population se réconcilie avec son histoire. Ce bâtiment magnifique a été construit par les esclaves. Port-Louis a été construit par les esclaves. Donc, il faut qu’ils soient fiers de leurs origines », plaide-t-il. 

Un demi-million d’euros déboursé

Le gouvernement mauricien a déboursé plus d’un demi-million d’euros pour la première phase du Musée intercontinental de l’esclavage. Son lancement est prévu dans deux ans. Jean Maxy Simonet, président du musée, surveille sa restauration dans sa forme la plus réaliste. « On a voulu restaurer comme c’était à l’époque de Mahé de La Bourdonnais. Si vous entrez, vous allez voir le bâtiment comme il était initialement. Là, en ce moment, on fait appel à une équipe de Pondichéry pour recréer le toit d’un bâtiment comme auparavant », espère le président du musée.

La conceptrice du projet, l’historienne mozambicaine Benigna Zimba, a souhaité que le Musée intercontinental de l’esclavage dispose aussi des antennes dans les pays de peuplement de Maurice.

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