Reportage Afrique

Au Soudan, l'illusion dorée des chercheurs de pépites dans le désert [1/2]

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Au Soudan, plus de 93 tonnes d’or ont été extraites en 2021, dont 80% issues des mines artisanales qui ont essaimé sur tout le territoire. Plus de trois millions de Soudanais dépendent de l’extraction du métal jaune. Un boom minier dont Abu Hamad, situé dans l’État du Nil, est l’épicentre.

les exportations d’or ont représenté plus d’un milliard et demi de dollars pour le Soudan, mais dans les mines, les travailleurs n’en bénéficient pas. (Image d'illustration).
les exportations d’or ont représenté plus d’un milliard et demi de dollars pour le Soudan, mais dans les mines, les travailleurs n’en bénéficient pas. (Image d'illustration). AFP - ASHRAF SHAZLY
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De notre correspondant à Khartoum,

En pleine crise économique, des Soudanais se lancent aux quatre coins du pays à la recherche de quelques pépites d'or. Sofiane en fait partie. Il a parcouru 800 kilomètres depuis la Gezira, sa région natale, pour rejoindre les mines du désert de Nubie au nord du Soudan. Au fond d’une soucoupe en fer remplie d’eau, il fait tourner du sable rouge.

« Je regarde s’il y a de l’or. Ensuite, il faut ajouter du mercure pour l’extraire. Tout se fait à la main. Il y a des gens de partout dans cette mine. On est 2 000 ici environ. Moi, je suis arrivé il y a deux mois. C’est ma première fois. Je ne trouvais pas de boulot. J’aurais préféré aller aux champs, mais en ce moment, il n’y a plus de travail en dehors de la mine. »

Mirage doré

Quand on leur demande ce qui les a poussés à venir travailler ici, ces mineurs n’ont qu’un mot à la bouche : « thourouf », les conditions de vie dégradées. Chômage, inflation, mauvaises récoltes. « Le coup d’État a entraîné l’effondrement de l’économie et de la monnaie. Avant, quand on se lançait dans l’or, on prévoyait un budget de 20 à 30 dollars. On pouvait durer comme ça jusqu'à 15 jours. Aujourd'hui, même si tu viens avec plus de 100 dollars, ça ne te dure même pas une semaine. »

Si ces forçats du désert gagnent à peine de quoi payer leurs provisions, l’or, lui, ne connaît pas la crise. Avec la guerre en Ukraine, les cours mondiaux montent en flèche. À Khartoum, il s’échange à prix fort. En 2021, les exportations d’or ont représenté plus d’un milliard et demi de dollars pour le Soudan. Mais ici, dans les mines, les travailleurs n’en bénéficient pas.

« Par exemple, si on remonte 200 sacs de roche, ça équivaut à peu près à 200 grammes d’or. Le propriétaire de la mine en prend la moitié. Nous l’autre moitié qu’on doit partager entre 20 travailleurs. Ensuite tu dois payer des taxes. Je suis fatigué. Mais il n'y a pas d’autre solution. »

Coiffé d’un casque de chantier, Hussein Abdallah, 17 ans, descend à 20 mètres dans les entrailles de la terre. Il y a trois mois, il a quitté la ville de Geneina, à l’ouest du Darfour, en proie aux affrontements meurtriers. « J’ai des frères ou des amis qui sont revenus de la mine avec de l’argent, une voiture, de quoi construire une maison. Toi, tu ne peux pas rester les bras croisés. Tu veux faire pareil. J’ai quitté l’école et si je trouve assez d'argent, peut-être que je partirai, en Europe ou en Égypte. »

Les conditions dans les mines sont précaires, mais il suffit toujours d’un chanceux, un homme qui rentre riche au village, pour que dix autres se lancent dans le désert, à la poursuite de ce mirage doré.

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