Reportage Afrique

Soudan: les effets dévastateurs de l'extraction de l'or sur les populations [2/2]

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En une décennie, le Soudan est devenu le troisième producteur d’or du continent africain. En 2021, plus de 93 tonnes d’or y ont été extraites, dont 80% issues des mines artisanales qui ont essaimé sur tout le territoire. Une extraction qui a petite ou grande échelle a des effets dévastateurs sur la santé des populations locales et sur l'environnement.

ette photo prise le 31 août 2018 au Soudan et fournie par Interpol le 10 septembre 2018 montre une mine d'or où des enfants utilisent des produits chimiques comme le mercure et le cyanure, près de Khartoum et de l'aéroport international de la ville. (Image d'illustration)
ette photo prise le 31 août 2018 au Soudan et fournie par Interpol le 10 septembre 2018 montre une mine d'or où des enfants utilisent des produits chimiques comme le mercure et le cyanure, près de Khartoum et de l'aéroport international de la ville. (Image d'illustration) AP
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De notre correspondant à Khartoum,

Dans l’État du Nil, au nord de la capitale, épicentre de la ruée vers l’or, de nombreux habitants s’inquiètent de l’utilisation de produits chimiques, notamment du mercure ou du cyanure, utilisés sans précaution par les mineurs artisanaux ou les entreprises.

Nous sommes dans le souk d’Al-Abbidyah, l’un des plus grands marchés de l’or du pays. Sous des préaux de tôle, des milliers de moulins, de grandes cuves fabriquées en Chine, sont en train de broyer des sacs de roches mélangés à du mercure liquide. Ici, près de 200 kilos d’or sont extraits quotidiennement grâce à ce produit hautement toxique.

« Là, dans ce moulin, on verse les sacs de roches que les mineurs rapportent du désert. S’ils contiennent beaucoup d’or, on verse une grande quantité de mercure dans l’eau qui amalgame les pépites d’or. On met les mains dedans pour voir si le sable est suffisamment fin. »

250 kilos de mercure par jour

Il faut ensuite brûler les pépites amalgamées pour séparer l’or du mercure qui s’évapore. Inhaler ce métal argenté interdit dans de nombreux pays peut causer de graves troubles neurologiques. De quoi inquiéter Mohammed Abdallah, ancien mineur, aujourd’hui militant contre les ravages environnementaux de la mine.

« Le mercure a des effets néfastes pour la santé des travailleurs et pour l’environnement. Le pire, c’est que dans cette région, des tonnes de résidus des mines sont également exploités par des entreprises qui utilisent du cyanure. Certes notre terre recèle de l’or, mais la manière dont on l’extrait est une atteinte aux générations futures. »

À quelques kilomètres de-là, camions et tractopelles en provenance du marché sont nettoyés sur les bords du Nil. Un désastre, selon Mamoun Bashir, un habitant d’Al-Abidiyah. « Des produits chimiques, du mercure ou du cyanure, tout ce qui est utilisé dans l’extraction de l’or se déverse ici. L’eau s’écoule directement dans le Nil alors même que la station de pompage d’eau potable de la localité se situe en aval. Ça empoisonne l’eau, mais aussi les poissons. Les autorités sont dans le déni en ce qui concerne la santé des citoyens. »

Dans cette région, la mine a progressivement remplacé l’agriculture. Al-Amine Mahmoud, un fermier de 65 ans, a perdu quelques têtes de bétail à cause du cyanure. « Des chèvres ont bu de cette eau et sont mortes. J’ai vu des quantités d’oiseaux morts autour de ces entreprises. Et en plus, lorsque les inondations arrivent à l’automne, toute cette eau vient contaminer le fleuve. Bien sûr qu’on a peur. Les cancers se multiplient. »

En 2019, le gouvernement soudanais a interdit l’usage du mercure et du cyanure dans les mines. Pourtant, sur ce marché de l’or, rien de plus facile que de s’en procurer. Plus de 250 kg de mercure partent ici chaque jour en fumée.

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