Nigeria: scène ordinaire de violence électorale dans l'État de Rivers [1/5]
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Des élections générales vont se dérouler dans moins de 15 jours au Nigeria. L'État de Rivers, dans le Delta du Niger, est déterminant pour le résultat final. Mais à chaque année électorale, des dizaines – parfois des centaines – de personnes meurent des violences avant, pendant et après le scrutin dans cet État.

De notre envoyé spécial à Port Harcourt,
Compte tenu de l'étendue géographique du pays, du nombre d'électeurs inscrits, des circonscriptions électorales et des unités de vote, un scrutin général ou même local au Nigeria est une entreprise colossale. Dans moins de quinze jours, 93,4 millions d’inscrits sont censés élire leurs représentants dans 1 491 circonscriptions électorales et 176 846 unités de vote.
Mais dans l'État de Rivers, à chaque année électorale, l'insuffisance du déploiement sécuritaire avec de nombreuses zones blanches, notamment en milieu rural, se concrétise par des crimes électoraux. Cette sinistre situation pousse à l'abstention des centaines de milliers d'électeurs ayant peur d'être des victimes collatérales en se rendant dans les bureaux de vote ou en assistant à des meetings politiques.
Scène ordinaire de violence électorale à Opodo
Bataille rangée dans une rue étroite de Opobo Nkoro, une localité de l'État de Rivers. Des hommes d'allure plutôt juvénile sautillent puis se contorsionnent pour éviter des bouteilles brisées. Ils renvoient à leur tour, ces projectiles en verre vers un groupe d'hommes aussi jeunes. Partisans de l'APC (Congrès des progressistes) et du PDP (le Parti démocratique populaire) sont en face à face.
L'auteur de cette vidéo tournée au téléphone portable esquive lui aussi les jets de bouts de verre, avant de décrire l'événement, en live sur sa page Facebook. C'est un membre ou supporter présumé de l'APC. « Nous sommes en plein cœur d'Opobo. Le gouvernement local d'Opobo. Nous sommes encerclés par Les voyous payés par le PDP dans cette ville. Ils tirent de partout. Ils lancent des bouteilles, endommagent les voitures. Ils disent que nous ne pouvons pas entrer ici pour mener campagne », décrit-il.
Ce type violence dans l'État de Rivers, Maître Henry Ekinne en a été plusieurs fois témoin. Depuis 2011, Cet avocat de profession est accrédité en tant qu'observateur des élections par la Commission électorale indépendante, l'Inec. Hors période électorale, Maître Ekinne est un invité régulier des médias de sa région d'origine, décryptant les propos émis par certains acteurs politiques et notamment les phrases à double sens, sources de violences.
« Pour un leader politique haut placé, cette élection est un combat qu'il faut finir. Littéralement, cela peut vouloir dire : "Nous allons déployer toutes nos ressources et que nous sommes déterminés à sortir victorieux de cette élection". Vous pouvez imaginer que les partisans de ce politicien peuvent aller jusqu'à l'extrême dans l'interprétation de ces propos ».
Démobilisation de la police
Maître Henry Ekinne est aussi sans concession contre la police nigériane. Durant ses différentes expériences, il a souvent constaté la passivité de nombreux policiers lors d'épisodes de violences avant, pendant et après des élections.
« La police nigériane devrait être l'une des institutions fédérales qui se mobilise pour toute élection, car les lois électorales sont très claires : les partis politiques doivent informer les policiers avant tout déplacement ou toute campagne de terrain. Je pense que la police est souvent informée. Parfois, je crois même que des agents sont probablement présents. Mais pour des raisons de compromis ou d'impunité, on trouve encore des éléments criminels qui s'infiltrent dans les rassemblements politiques, constituant ainsi une force provoquant la violence. C'est inquiétant. »
Pourtant, cette année encore, Maître Ekinne observera le déroulement du scrutin dans un bureau de vote dans l'État de Rivers. Il estime juste faire son devoir en tant que citoyen et nigérian.
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