Reportage Afrique

Maurice: Pamplemousses, un village marqué par l'histoire de l'esclavage

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Façonnées par les esclaves, les plantations sucrières de Maurice portent encore la mémoire de ce passé. Des routes, des édifices ainsi que des lieux caractéristiques de cette période émeuvent encore les habitants, notamment les descendants d’esclaves. Comme dans le village de Pamplemousses au nord de l’île. Comment vit-on dans une terre qui porte les traces de l’esclavage ?

Le Bassin des Esclaves Pamplemousses
Le Bassin des Esclaves Pamplemousses © Abdoollah Earally/RFI
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« Ici, si je ferme les yeux, je peux de dire comment c’était auparavant. » Eric Juliette, la soixantaine, vit à Pamplemousses, à l’époque chef-lieu du commerce des esclaves à Maurice. Ce district du nord regroupe 18 villages. Il porte pleinement les marques de l’esclavage, presque deux siècles après son abolition dans l’île. « Moi, ce qui est forte dans ma tête, c'est le bassin des esclaves. Les barons venaient ici, sur leurs carrosses, comme-si c’était une fête, et ils achetaient des esclaves ».

Eric Juliette nous montre alors le marché des esclaves, un espace d’environ 10 m2 de pierres taillées où les hommes noirs étaient lavés comme des bêtes avant d’être vendus au marché d’à côté. Le même quartier abrite le cimetière où est enterré l’une des figures esclavagistes les plus connues de Maurice, Adrien d’Épinay,

Christian Lodoïska, 70 ans, ancien ouvrier de la propriété sucrière du village, nous monte le lieu d’enterrement, de « ce marchand d’esclaves » pour reprendre ses mots. Dans sa famille, la tradition orale a transmis de nombreuses descriptions sur les pratiques de l’époque : « Dans les champs de cannes, quand le maître s’adressait à un surveillant, il ne se tenait jamais près de lui. Il va s’éloigner à 50, 100 mètres. Il fallait qu’il voie le surveillant courir, son chapeau sous le bras, pour venir à sa rencontre. C’était comme ça ».

Pamplemousses abrite la troisième plus ancienne église de Maurice. L’église Saint-Francois-d’Assise est classée patrimoine national pour la qualité de son architecture et son histoire. Véronique Candahoo, jeune professeure d’éducation physique, ne peut s’empêcher d’être mélancolique : « Ça m’émeut de par mon origine, je suis une descendante d’esclave. Quand je regarde autour, je vois vraiment l’empreinte de ses esclaves. Et avec le temps qui est gris, on a l’impression qu’on est à l’époque. »

Une époque qui a mis du temps pour se défaire de certaines pratiques. Kristel Sylva, 44 ans, se souvient des sièges numérotés de l’église durant son enfance : « Les bancs étaient numérotés, ils étaient pour les blancs uniquement. Même moi j’étais au courant de cela. Quand on venait à la messe, on restait à l’arrière, on n’avait pas accès là où c’était numéroté. » Une époque révolue.  

Si les us et coutumes du passé négrier de Maurice se sont effacées, ses séquelles trainent encore dans de nombreux villages sucriers.

Édition spéciale consacrée aux Mémoires de l’esclavage ce mercredi soir de 19h10 à 20h (17h10-18h TU).

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