Côte d'Ivoire: contre l'excision, la reconversion des matrones
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Comment lutter contre l’excision de manière pérenne ? Dans l’ouest de la Côte d'Ivoire, où près des 62% des femmes de 15 à 49 ans ont été excisées, une association mise depuis plusieurs années sur la reconversion des matrones. Souvent indexées, ces dernières se voient attribuées des rôles plus valorisants dans des métiers qu’elles maîtrisent déjà.

De notre envoyée spéciale à Biankouma,
Dans son jardin, Chantal Lolé entretient une cinquantaine de plantes médicinales. « Ce sont des feuilles de Néré. Quand la plante pousse bien, j’enlève l’écorce, je la prépare. Je l’utilise chez la femme enceinte en cas de saignement. Et ça marche », explique-t-elle.
Il y a là des plants de citronnelle, de coton, des corossoliers… Toutes ces plantes ont une fonction : soigner les maladies infantiles et atténuer les douleurs durant la grossesse des femmes enceintes. Chantal Lolé a choisi d’abandonner la pratique de l’excision pour se consacrer à la médecine traditionnelle. « Je me consacre à la santé des femmes enceintes et à leurs bébés. J’ai moi-même été excisée étant petite. Et ne veux pas que mes petits enfants soient excisés. En me consacrant à cette nouvelle activité, j’utilise mes connaissances pour les femmes enceintes. Et leurs maris sont reconnaissants : ils me remercient et m’offrent des cadeaux, ça ne m’était jamais arrivé avant ».
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Un nouveau rôle
Même déclic pour Elisabeth Soumahoro, une femme d’âge mûr qui accompagne les femmes enceintes pendant leur grossesse. Elle les aide à accoucher. Elisabeth a inscrit dans un cahier les dizaines de naissances qu’elle accompagne depuis le début de l’année. « J’aime ce métier, car je donne la vie à des enfants. Avant, lorsque je pratiquais l’excision, on faisait des fêtes au village, on me donnait des repas. Mais je ne gagnais pratiquement pas d’argent. Aujourd’hui, j’accompagne les femmes pendant leurs grossesses. Elles se confient à moi. Il y a une confiance qui se crée entre nous. Et leurs maris me sont reconnaissants : ils me paient pour me récompenser. »
Depuis une quinzaine d’années, l’association Aséza accompagne une centaine de matrones dans 18 villages. Elle les conseille dans leur reconversion, dans la médecine traditionnelle, ou bien comme accoucheuse. Une manière de conserver leurs connaissances tout en abandonnant l’excision.
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« Elles ne partageaient par leur savoir-faire, c'était caché. Il fallait y aller progressivement pour qu'elles comprennent qu’on ne venait pas leur arracher leurs connaissances, ou bien que ça n'allait pas les affaiblir. Ces femmes-là, elles veulent rester importantes aussi dans leur société. Pour les matrones, l'important n'est pas forcément les revenus, mais la notoriété. Si elles ont ça, elles pourront arrêter l'excision. Les plantes, ça fait partie aussi de la santé, ça permet aussi à des personnes d'être importantes. »
Les matrones accompagnées par cette association bénéficient aussi d’un local, où elles peuvent faire leurs consultations et se réunir pour échanger leurs expériences.
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