Nigeria: Iswap, le règne de la terreur sur le bassin du lac Tchad [1/3]
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Dans le nord du Nigeria, 4,3 millions de personnes sont menacés d'une grave famine au plus fort de la période de soudure, entre juin et août 2023, selon le Programme alimentaire mondial. Reportage à Monguno, dans l'État de Borno, où l'insécurité chronique liée à l'État islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) empêche de nombreuses personnes de cultiver leurs terres ou de gagner un revenu.

De notre envoyé spécial à Monguno,
Abubakar Mohammed est fataliste. Ce trentenaire aux traits juvéniles est un témoin de quasi toutes les attaques majeures de l'Iswap à Monguno. En juin dernier, Abubakar s'est caché avec sa femme et ses enfants lorsque par vagues successives, durant plusieurs jours, ces insurgés du bassin du lac Tchad, véhiculés et lourdement armés, ont tenté d'occuper Monguno. Les assaillants ont laissé derrière eux plusieurs dizaines de morts.
Abubakar était également présent en mars, lors de la dernière tentative d'invasion de cette localité par l'Iswap. « Nous ne dépendons que de Dieu, lance-t-il. Avec la présence des militaires autour de nous, toujours pour notre protection, ces derniers nous encouragent à rester. Selon eux, nous sommes en sécurité. »
Ici, évoquer à haute voix l'Iswap est risqué. Car de nombreux membres de ce groupe armé ont des proches et des informateurs vivant à Monguno et dans les environs. À première vue, la situation semble apaisée dans les rues de cette localité. Mais l'Iswap influence insidieusement les consciences de certains habitants. Labo est un déplacé de Baga, situé à quelques kilomètres de Monguno. Ce sexagénaire est le père de sept fils, tous pêcheurs sur le lac Tchad. « Les membres de l'Iswap ne tuent pas comme ça, témoigne Labo. Ils volent simplement vos produits, vos animaux, vos poissons... Et vous imposent de payer des taxes pour différentes choses. Ils interdisent de fumer ou boire, mais ils ne s'attaquent pas aux gens. En revanche, les hommes de Shekau, une fois qu'ils vous trouvent, ils vous tuent ».
Habiba refuse de faire ce distingo entre les deux factions concurrentes. Couverte d'un voile intégral rose, cette jeune femme se souvient avec émotion d'un des raids des insurgés. C'était en juin 2020. Devant elle, son père est enlevé et son frère est tué pour avoir opposé une résistance. « Au moment de l'attaque, lorsque mon frère a été tué et mon père emmené, je me suis dit que je n'irais nulle part, se souvient Habiba. Je suis restée prostrée. J'aurais préféré mourir que de vivre cette vie, car ma mère aussi était malade. Elle a fait un malaise lors de l'incident à cause de sa maladie. Il a fallu verser de l'eau pour la ranimer. alors on l'a transportée dans une brouette avant qu'on ne s'échappe. »
Et la présence importante et constante de véhicules militaires et de chars blindés dans les rues de Monguno témoigne de la menace permanente générée par l'Iswap.
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