Au Liberia, l'absence de justice hante les victimes des guerres civiles [1/3]
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Si des procédures judiciaires ont été enclenchées en Suisse, en France et aux États-Unis, les survivants des guerres civiles qui ont déstabilisé le Liberia entre 1989 et 2003 restent traumatisées et frustrées de ne voir qu’aucun ancien chef de guerre n’a été jugé dans leur propre pays.

De notre correspondante à Monvoria,
Esther Dahn se déplace difficilement sur ses deux béquilles. Cette vieille femme de 68 ans a perdu une jambe lors du massacre survenu le 29 juillet 1990 dans l’église luthérienne Saint-Pierre de Monrovia. Ses deux bras, blessés par balles, sont toujours fragiles. De ce massacre, où près de 600 personnes ont été tuées par les hommes des Forces armées du Liberia, une seule image reste dans sa tête : « Avec mon mari et mes six enfants, nous nous sommes réfugiés dans l’église luthérienne Saint-Pierre, pensant y être en sécurité. Mais les hommes armés y sont entrés, ils ont tué mon mari et quatre de mes enfants. »
Esther Dahn tremble encore de douleur en évoquant cet épisode. Elle ose à peine envisager un procès de ses agresseurs. « Je ne me souviens plus de leur visage. Je ne pense pas qu’on puisse les juger. De toute façon, j’ai trop peur. Je souffre encore de tout ça. »

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L'impunité des anciens chefs de guerre
Peterson Sonyah a perdu son père dans cette église. Il avait 16 ans. Aujourd’hui, il dirige l’association des survivants de la guerre civile, qui soutient 4 800 victimes. Son combat : plaider pour la création d’une Cour capable de juger ces crimes au Liberia. « Les leaders politiques qui ont dirigé le pays jusqu’à présent ont évité de résoudre cette question de la justice. La culture de l’impunité règne dans le pays. Le système judiciaire ne fonctionne pas. Il faut créer une Cour pour juger les crimes de guerre : les survivants en ont besoin. »

Les anciens chefs de guerre jouent encore un rôle dans la vie politique et ne semblent pas inquiétés par la justice. Le rapport de la Commission vérité et réconciliation est resté lettre morte. Résultat : la culture de l’impunité s’est banalisée. « Tant que l’on ne résout pas la question des crimes commis pendant la guerre civile, la culture de l’impunité va continuer de se développer, affirme Adama Dempster, défenseur des droits de l’Homme. L’État de droit n’est pas appliqué. Il y a de plus en plus de cas de morts suspectes et il n’y a pas d’enquête. Le fait que d’anciens enfants-soldats ne soient pas passés par un processus de réhabilitation, cela a eu un impact négatif sur la jeune génération, qui s’est habituée à consommer de la drogue. »
Sur 20 candidats à l’élection présidentielle, au moins deux ont mentionné le devoir de justice dans leur programme de campagne.
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