Reportage Afrique

Sénégal: quel projet de réhabilitation pour l'ancienne école William-Ponty? [1/2]

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Pendant une grande partie du XXe siècle, le Sénégal a abrité la fabrique à élites de l’AOF, l’Afrique occidentale française. Un projet colonial français pour former ses cadres localement, mais qui a ensuite permis l’émergence d’une génération de leaders africains. Aujourd’hui, le site qui a abrité l’école le plus longtemps tombe en ruines, et les anciens rêvent de le réhabiliter.

Les ruines de l’école William-Ponty, au Sénégal.
Les ruines de l’école William-Ponty, au Sénégal. © Juliette Dubois / RFI
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De notre correspondante à Dakar,

Face au grand amphithéâtre en ruines, Mamadou Kandji, ancien doyen de la faculté de lettres de l’université Cheikh-Anta-Diop, a des étoiles plein les yeux. Il se souvient de ses années d’étudiant, au milieu des années 1960. « Ce bâtiment date de 1938. Il y avait une salle de conférences en haut, un laboratoire de recherche et d'expérimentation avec des microscopes en bas », décrit Mamadou Kandji.

L’école William-Ponty est créée en 1903 par la France. C’est alors un instrument pour former ses cadres dans les colonies de l’AOF, l’Afrique occidentale française. « L'école était faite pour former des cadres moyens de l'administration coloniale, parce que la conception qui était faite au nom de la supériorité raciale, les Européens occupent tout ce qui est commandement et aux Africains, on laisse donc ce qu'on appelle les postes subalternes », indique Gana Fall, historien et spécialiste de l’administration.

À écouter aussi«Les hussards noirs de la colonie»: les instituteurs avant les indépendances

Un « esprit de Ponty »

L’école a vu passer beaucoup de futurs dirigeants africains à partir des années 1930, tels que Modibo Keïta pour le Mali, Abdoulaye Wade, ou encore Hamani Diori au Niger, puis les cadres et professeurs qui feront émerger les pays nouvellement indépendants.

On parle d’un « esprit de Ponty » qui liait ces jeunes hommes, qui entraient à l’école vers 18 ans. « Le bâtiment détruit justement, ça a toute une histoire pour moi parce que j'ai logé dans ce dortoir-là, c'était la camaraderie et la bonne camaraderie. Mais sur fond de travail et de saine rivalité », souligne Mamadou Kandji.

Aujourd’hui, difficile d’imaginer qu’une fabrique à élites était installée ici à Sébikotane, à une quarantaine de kilomètres de Dakar. L’amphithéâtre et les dortoirs sont détruits. Certains bâtiments ont disparu ou ont été transformés en prisons.

Des promesses pour réhabiliter l'ancienne école

L’amicale des anciens, créée en 1991, se bat pour la réhabilitation du site. Un projet qui avait failli se réaliser sous Abdoulaye Wade, l’un des illustres anciens élèves. « Je me souviens que, quand on a soumis le projet au président Wade, il s’en était émerveillé et il avait proposé qu'on en fasse une université du futur africain », se rappelle Modou Ndiaye, le président de l’Amicale.

Financé par Taïwan, le projet d'université tombe à l’eau à la rupture diplomatique avec le pays. Désormais, les anciens Pontins rêvent d’un nouveau complexe ambitieux bâti sur le site de l’ancienne école. « Il y aura un musée qui va amener des indices sur l'histoire. On n'écarte pas des implantations de locaux fonctionnels d'éducation et de formation, d'animation culturelle et intellectuelle », imagine Issakha Gueye, trésorier de l’amicale.

L’amicale a rencontré l’actuel ministre de la Culture qui leur a promis de plancher sur le sujet. Les anciens organisent aussi des conférences pour réfléchir sur les politiques éducatives au Sénégal.

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