Reportage Afrique

À Madagascar, l'accès des femmes au planning familial reste un défi

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À Madagascar, la Journée internationale des droits des femmes a été placée cette année sous le thème de la promotion de la planification familiale. Un réel défi, dans un pays où moins d’une femme sur deux en âge de procréer (15-49 ans) a recours à la contraception. Entre stigmatisation, tabou et croyances sociales, les obstacles au plein accès des femmes aux services de santé sexuelle sont encore puissants. Alors, pour les lever, on sensibilise et on informe.

Dans un quartier populaire de Tamatave, le 6 mars 2024, une sage-femme du centre de santé de base (CSB) expose à un groupe de femmes les différents moyens de contraception disponibles et lèvent les idées reçues sur leur utilisation.
Dans un quartier populaire de Tamatave, le 6 mars 2024, une sage-femme du centre de santé de base (CSB) expose à un groupe de femmes les différents moyens de contraception disponibles et lèvent les idées reçues sur leur utilisation. © Pauline Le Troquier / RFI
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De notre correspondante à Antananarivo,

Dans la cour sablonneuse de ce centre de santé de base, Victorine, sage-femme, agite un panier rempli de contraceptifs. Face à elle, une vingtaine de femmes, leur enfant aux bras, écoutent attentivement l’équipe médicale défaire les « on dit » sur ces méthodes. « Il ne faut jamais arrêter la pilule. Certaines s’imaginent, une fois chez elles, qu’il ne faut pas avaler le comprimé rouge. C’est faux ! C’est ce qui vous aide à avoir vos règles chaque mois », martèle la sage-femme.

À l’intérieur de l’étroite salle de consultation, les patientes défilent. Sabrina a 22 ans, et un enfant. Sa grossesse surprise l’année dernière, c’est ce qui l’a finalement poussée à choisir une contraception hormonale. Une démarche, reconnaît-elle, encore très mal vue hors mariage. « Ici, quand tu prends des contraceptifs, ça veut dire que tu joues avec les rapports sexuels. "Ah, c’est parce qu’elle a beaucoup d’hommes", [les gens] pensent comme ça. On dit d’elles que ce sont… comme des prostituées », explique Sabrina.

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Rumeurs et barrières sociales

À ces rumeurs sur leur sexualité, s’ajoutent pour les jeunes femmes le poids de croyances bien ancrées. « J’ai entendu dire que si des filles qui n’ont pas encore des enfants prennent des contraceptifs, c’est très difficile pour elles d’avoir des bébés après », ajoute Sabrina.

Des rumeurs issues de barrières sociales difficiles à faire tomber. Blouse rose ajustée, Victorine fait les 100 pas dans le centre de santé. Une fois assise derrière son bureau en bois, la sage-femme responsable du centre se veut la plus pédagogue possible.

« Pour contrer ces rumeurs, la sensibilisation est très importante », souligne Victorine. « Quand de nouvelles femmes entrent dans mon cabinet, je prends toujours l’exemple de mes autres patientes qui utilisent la planification familiale depuis longtemps. Je leur dis : "regardez-les, elles sont en très bonne santé. Alors, venez nous voir jusqu’ici vous et vous aurez les réelles informations !" »

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« C'est encore un long chemin à faire... »

Encourager les femmes à franchir la porte des services de santé sexuelle, dont l’accès pour toutes est un droit dans la loi malgache. Mais pour le docteur Valérie, responsable médicale chez Médecins du monde (MDM) à Tamatave, il n'est pas encore vécu comme tel par la majeure partie des femmes. « C’est encore un long chemin à faire », constate-t-elle. « Il faut savoir que Madagascar est un pays de religion, quand on parle de santé sexuelle reproductive, il faut bien faire attention de ne pas heurter [certaines personnes]. »

Un sujet encore souvent tu ou murmuré en société. Mais la planification familiale devrait ce 8 mars être abordée à voix haute partout dans le pays dans les cortèges et les cercles associatifs. Pour cette journée, la question a été érigée au rang de priorité par les autorités.

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