Reportage Afrique

Rwanda, 30 ans après le génocide des Tutsis: des génocidaires présumés toujours recherchés [3/6]

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Il y a 30 ans, selon les Nations unies, près d’un million de personnes – en majorité des Tutsis, mais également des Hutus et d’autres opposants au génocide – ont été systématiquement tuées en moins de trois mois. Dans certaines régions, les rescapés attendent encore de voir certains génocidaires présumés arrêtés, comme à Gishyita, dans la province de l’ouest du pays, d’où sont originaires les deux derniers fugitifs génocidaires présumés et recherchés par le Mécanisme chargé des derniers dossiers du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Les deux derniers fugitifs recherchés par le Mécanisme sont notamment suspectés d'avoir participé au massacre de plusieurs milliers de Tutsis dans l'église de Mubuga en avril 1994.
Les deux derniers fugitifs recherchés par le Mécanisme sont notamment suspectés d'avoir participé au massacre de plusieurs milliers de Tutsis dans l'église de Mubuga en avril 1994. © Lucie Mouillaud / RFI
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De notre envoyée spéciale à Gishyita,

Responsable local de l’association de rescapés Ibuka, Adrien Harorimana avance vers un bâtiment administratif sur les hauteurs de son village natal de Gishyita. « Ici, c’est le bureau de l’ancienne commune de Gishyita. Sikubwabo Charles, le bourgmestre pendant le génocide contre les Tutsis, travaillait ici », indique-t-il.

Face à lui, s’étend à l’horizon la colline de Bisesero, où le survivant s’est réfugié pendant le génocide. L’une des collines où l’ancien bourgmestre Charles Sikubwabo et le commerçant Riyandikayo, les deux derniers fugitifs recherchés par le Mécanisme, sont suspectés d’avoir mené des attaques.

« Ce serait très important qu’ils soient traduits en justice. S’ils sont déjà morts, ce serait très triste pour les rescapés. Pour nous, on voudrait les voir jugés et condamnés de leur vivant », espère Adrien Harorimana.

Long format RFIJustice internationale, dans les rouages de la lutte contre l’impunité

Traque contre-la-montre

Dans l’ancienne commune de Gishyita, la vie a repris son cours. Des enfants jouent au ballon devant l’église catholique de Mubuga, où les fugitifs sont accusés d’avoir participé au massacre de plusieurs milliers de Tutsis. À côté du mémorial construit trois ans plus tôt, Vincent Usabyimfura, rescapé, espère encore obtenir justice pour ses proches disparus :

« Je voudrais lui dire, à Sikubwabo, que ce n’est pas quelqu’un de bien. Il aurait dû être un exemple, en tant que dirigeant, mais malheureusement, il a participé au massacre. Mais je lui dirais aussi qu’il n’a pas réussi à tous nous tuer. »

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Quelques dizaines de mètres avant l’église, d’anciens génocidaires montrent du doigt le croisement en face de l’école du village, point de rencontre, selon eux, des autorités qui organisaient les massacres. « Il y avait des réunions. Ce sont les autorités qui nous ont donné l’ordre d’attaquer, dont Sikubwabo », se souvient Shumi Elamu, libéré après plus de sept ans de prison. « Je voudrais le revoir et qu’ici, on puisse l’accuser directement de ce qu’il nous à pousser à faire, car il nous a appelé à faire du mal. »

En cas d’arrestation, les deux fugitifs doivent être extradés et jugés au Rwanda. Trente ans après, c’est une traque contre-la-montre : s’ils sont toujours en vie, Riyandikayo et Charles Sikubwabo sont aujourd’hui âgés de plus de 60 et 80 ans.

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