Kaouther Ben Hania, réalisatrice tunisienne: «Grâce au cinéma, on peut donner un sens au monde» [2/4]
Publié le :
Elle est la première en Tunisie à avoir été nommée deux fois aux Oscars. D’abord en 2021, pour son film, L’homme qui a vendu sa peau, puis cette année pour le meilleur documentaire étranger pour Les filles d’Olfa, qui a reçu plus de 22 prix, dont le César du meilleur documentaire. Le cinéma de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania s’intéresse beaucoup aux sujets féminins : « je parle des sujets que je connais le mieux », explique celle qui a écrit et réalisé une dizaine de films.

Deuxième épisode de notre série de portraits sur des cinéastes africaines.
Passionnée depuis toute jeune par la littérature, Kaouther Ben Hania rêvait de devenir romancière. Le cinéma, elle l’a découvert sur le tard. La lauréate du César du meilleur documentaire s’ennuyait en faisant des études de commerce à Tunis, elle s’inscrit donc à un atelier où étudiants et travailleurs viennent s’essayer à faire des films les weekends. Il s’agit de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs : « Quand j’ai rejoint cette Fédération, je me suis dit : c’est ce que j’ai envie de faire en réalité. Pas juste le weekend, mais toute la vie. » Puis elle étudie le cinéma à Paris, à la Fémis et à la Sorbonne Nouvelle.

Étudiante déjà, elle rêvait de le rester éternellement : « Je suis extrêmement intéressée par les choses que je ne comprends pas. D’ailleurs, quand je fais un film, c'est pour comprendre. J’adore apprendre et je pense que ce n’est pas par hasard que j’ai choisi ce métier. Parce qu’avec la réalisation, chaque nouveau projet est un terrain de recherche, de construction, de réflexion, et d’apprentissage, explique-t-elle. Donc mon regard est à la fois construit, mais à la fois très naïf. J’ai besoin de cette fraicheur et de cette naïveté pour recevoir le monde, le comprendre et ensuite le structurer. »
Une réalisatrice de films non conventionnels
Kaouthar Ben Hania s’est attaquée au documentaire, au faux documentaire et à la fiction. Elle prépare actuellement son prochain film : « En traversant ces genres et ces sous-genres, en arrivant à la fabrication des Filles d’Olfa, j’ai pu en fait bénéficier d’une certaine expérience, d’une certaine maturité qui m’a permise de me lancer dans ce projet qui est assez complexe. » Pourtant, le succès de son film ne signifie pas moins de pression pour le suivant, c’est même le contraire : « Ce succès en réalité me met la pression, ce n’est jamais facile, à chaque fois, on a l’impression que l’on recommence de zéro, on reprend tout, c’est une autre histoire, un autre univers. Il faut convaincre, même au niveau du financement. Cela ne suit pas forcément, parce que je fais des films non conventionnels. »
Faire des films, pour elle, c’est donner un sens à ce monde : « Ce que j’ai découvert avec le documentaire au début, et ensuite avec la fiction, c’est qu’on peut donner un sens à ce monde. Je pense qu’on fait des films, parce qu’on vit dans un monde chaotique où on est tout le temps à la recherche d’un sens, on peut faire une proposition qui dit : "Voilà comment je regarde les choses", cela nous donne cette possibilité de mettre de l’ordre dans le monde et de lui donner du sens. Et de partager cette proposition avec le spectateur. » Plus que de donner un sens au monde, tourner Les filles d’Olfa était, pour Kaouther Ben Hania, une thérapie.
À lire aussiLa réalisatrice Maïmouna Doucouré : « Passer par le cœur, pour atteindre l’esprit » [1/4]
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne