Reportage Afrique

Côte d’Ivoire: le griotisme à l’épreuve des évolutions de la société

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À la fois porte-paroles et réconciliateurs, dépositaires de la tradition orale, souvent artisans, et parfois poètes ou musiciens, les griots ont longtemps été un élément clef de la structuration des villages du nord de la Côte d’Ivoire d’influence mandingue. En raison des évolutions rapides de la société, le rôle social du griot, qui se transmet de génération en génération, tend à disparaitre. Dans de nombreux villages, les enfants de griots, désireux de gagner leur vie ou de poursuivre leurs études, délaisse la fonction.

«Le griot œuvre à parvenir à une paix entre les habitants, il protège notre village», explique Fanny Adama, octogénaire et chef du village de N’goloblasso, en Côte d'Ivoire.
«Le griot œuvre à parvenir à une paix entre les habitants, il protège notre village», explique Fanny Adama, octogénaire et chef du village de N’goloblasso, en Côte d'Ivoire. © François Hume-Ferkatadji / RFI
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De notre correspondant de retour d'Odienné,

Mamadou Diarassouba, le griot de la petite ville de N'GoloBlasso au nord-est d'Odienné, se déplace avec un bois précieux. Selon le chef du village, un octogénaire qui s'exprime en malinké, son travail est indispensable au bien-être du village :

« Nous travaillons main dans la main. Nous rendons grâce à Dieu pour le travail qu'il fait. S'il n'est plus, il faudra toujours que le village ait un griot. Le travail qu'il fait protège tout le monde, c'est un bon travail. Il a pris le flambeau de son père. Toutes les missions que je lui donne, il les accomplit parfaitement. Il œuvre à parvenir à une paix entre les habitants, il protège notre village. Il a beaucoup de pouvoir. Je ne pourrais pas être chef sans lui. »

En plus de son travail de tanneur, le griot intervient pour régler les conflits entre les habitants, annoncer les baptêmes et les décès. Son père et son grand-père occupaient déjà la même fonction. « J'aimerais qu'après ma mort, un de mes enfants reprenne ce métier et cette fonction. Il ne faut pas que ce savoir-faire soit perdu, j'aimerais qu'ils puissent continuer mon activité », dit-il.

Traditions perdues

Ses trois enfants ont pourtant quitté le village. Un de ses fils réside à Bouaké, l'autre est mécanicien-taulier dans la commune d'Abobo à Abidjan, tandis que la dernière est doctorante en espagnol. Nous l'avons rencontré dans l'enceinte l'université de Cocody :

« Avec notre génération, ça sera très compliqué de rester focalisé sur ce même métier. Le monde évolue, et nous aussi, on essaye d'évoluer et d'apporter un plus pour le village. Avant, les parents le faisaient pour pouvoir subvenir à leurs besoins, mais maintenant, ils font ce métier et après, ils vont au champ. Bon, il y a trop de choses, ça veut dire que le métier n'est pas suffisant. Il faut apporter autre chose pour pouvoir survivre. »

S'il est difficile d'obtenir des chiffres précis, les habitants de la région d'Odienné affirment que de très nombreux villages ont perdu leurs griots ces dernières années. Dans le village de Tiémé, Ousmane Doumbia, âgé de 36 ans, a bien voulu reprendre une partie du rôle du griot, les activités d'artisan de son père notamment. Il confectionne des fourreaux et emballe les gris-gris avec de la peau de bête : « Je n'ai pas abandonné l'artisanat et le travail du cuir, mais pour ce qui est du rôle d'orateur, je ne peux pas. Je n'en suis pas un, je ne suis pas capable de m'adresser à une foule. Les villageois m'ont poussé à reprendre le flambeau, mais s'occuper des problèmes de tout le monde n'est plus possible aujourd'hui. »

Traditionnellement, les griots sont issus de quatre grandes familles – Mabala, Kenibala, Kouyaté, et Kamara – et ont pour rôle de chanter les louanges du roi et des grandes personnalités qui ont jalonné l'histoire de la région.

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