Reportage Afrique

Maroc: à Fnideq, la jeunesse marocaine désespérée tente de rejoindre Ceuta à la nage

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Ils étaient venus de tout le pays et se sont donné rendez-vous à Fnideq, ville qui jouxte l’enclave espagnole de Ceuta. Objectif : déborder les gardes-frontières et atteindre le territoire espagnol à la nage ou par la terre. L'événement a suscité un vif débat dans le pays, illustrant le désarroi d'une partie de la jeunesse. L'événement a suscité un vif débat dans le pays, illustrant le désarroi d'une partie de la jeunesse. Cent cinquante-deux personnes ont été traduites en justice pour incitation à l'immigration clandestine collective.

Des migrants franchissent une clôture de barbelés alors qu'ils tentent de franchir la frontière terrestre avec l'enclave africaine espagnole de Ceuta, près de Fnideq, dans le nord du Maroc, le 15 septembre 2024.
Des migrants franchissent une clôture de barbelés alors qu'ils tentent de franchir la frontière terrestre avec l'enclave africaine espagnole de Ceuta, près de Fnideq, dans le nord du Maroc, le 15 septembre 2024. © AFP
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La présence des fourgons de police, et les barrières placées tout le long du front de mer rappelle que Fnideq et ses environs restent étroitement surveillée depuis le 15 septembre. Ce jour-là, près 3 000 personnes ont tenté de passer en force pour rejoindre l’enclave espagnol lors de six tentatives distinctes. Driss, était l’un d’entre eux. Il a répondu aux messages lancés sur les réseaux sociaux : « J’ai vu les appels sur tous les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, des groupes WhatsApp, tout le monde parlait du 15 septembre, tout le monde s’est donné rendez-vous à Fnideq. »

Avec ses maigres économies, il parcourt plus de 400 km pour rejoindre le nord du pays : « Je suis venu de Meknès jusqu’ici parce que je veux vivre une bonne vie, sauver ma mère de la pauvreté, et gagner de l’argent (…) Ici, il n’y a rien, pas d’argent, pas de travail. »

L'éloignement ou le refoulement

Dans son survêtement de sport, le regard pointé sur la ville autonome de Ceuta, piton rocheux à quelques kilomètres de là, Driss se souvient de cette journée où les forces de police, présentes en nombre, ont stoppé les candidats au départ dont certains avaient revêtu une combinaison dans le but de se jeter à la mer pour rejoindre Ceuta à la nage. « La police avait mis des barrières partout, un soldat a reçu un violent coup, le chaos s’est installé. Les policiers ont commencé à frapper tout le monde, on m’a envoyé à Beni Mellel. On ne m’a pas enfermé, on m’a juste laissé à Beni Mellel et on m’a laissé là tout seul. »

Beni Mellel se trouve à 500 kilomètres plus au sud. L’éloignement, ou le refoulement interne, est une méthode pour dissuader ces jeunes candidats à l’immigration régulière.

« Des gens meurent »

Mounir, un Algérien de 20 ans, est revenu quelques jours plus tard à Fnideq. Le jeune homme a déjà tenté sept fois la traversée à la nage : « Je suis rentré à Ceuta, j’ai nagé, 5 kilomètres, mais c’est trop dur, il faut gérer. Si tu nages bien et que tu as de la force dans les bras, tu peux le faire. »

Arrêté et expulsé dès son arrivée sur le territoire espagnol, il pense déjà au prochain départ. Au mois d’août, ses exploits ont été filmés dans une vidéo qui a fait le tour du pays, donnant envie à d’autres, au Maroc, de passer par la mer malgré les risques. « Des gens meurent, frère, affirme Mounir. Moi, je connais des gens qui en sont morts. »

Depuis le début de l’année, la police marocaine affirme avoir empêché plus de 45 000 entrées clandestines en Espagne. Une politique récemment saluée par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares

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