Tunisie: le mausolée de la sainte Saïda Manoubia, un lieu d'accueil pour tous
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En Tunisie, le mausolée de Saïda Manoubia, une sainte ayant vécu à Tunis au XIIᵉ siècle, attire de nombreux Tunisiens. Sa proximité avec l’hôpital Razi, un hôpital psychiatrique, en fait un lieu d’accueil et un refuge pour tous. Même si peu de Tunisiens connaissent l’histoire de cette sainte, révolutionnaire pour son époque, son aura et les rituels qui l’entourent la démarquent dans le monde du soufisme, à grande majorité masculine.

De notre correspondante à Tunis,
Chaque dimanche, le mausolée de Saïda Manoubia à la Manouba, en banlieue ouest de Tunis, prend vie. Les rituels et les chants autour de la sainte font partie du culte. Ses fidèles, de tous âges et issus de toutes les classes sociales, en majorité des femmes, viennent assister au spectacle. « Je viens chaque mois, pour me recueillir, mais aussi pour me défouler, confie Ahlem, 30 ans. Les chants et la danse m’apaisent beaucoup. »
D’autres viennent pour demander à la sainte sa bénédiction et se recueillir sur sa tombe, comme Latifa, 65 ans : « On vient depuis qu’on est enfant ici, c’est une tradition ancienne. Il n'y a pas que des gens de la capitale, il y a aussi des gens qui viennent d'autres régions. Là, on met du henné sur nos mains, cela va avec le rituel, décrit-elle. C’est pour célébrer la sainte et aussi souhaiter la réussite aux jeunes femmes qui vont se marier. Les fidèles de Saïda Manoubia, les plus aisés, font ainsi don de nourriture et d’argent pour les plus pauvres qui viennent s’y recueillir. »
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« Saïda Manoubia représente l’exception au féminin »
En Tunisie, la religion majoritaire est l’islam et le soufisme, un courant mystique, fait partie de la culture depuis des siècles. Plus d’un millier de mausolées existe dans le pays, mais rares sont ceux dédiés à des saintes. Saïda Manoubia est l’une des plus connues, car son hagiographie a été écrite par un imam avant d’être traduite par l’historienne Nelly Amri.
« Saïda Manoubia représente l’exception au féminin, parce que c’est une fille qui s’est rebellée contre son environnement, on parle du Moyen Âge, qui n’a pas voulu se marier », indique Rym Lajmi, enseignante à l’université de la Manouba, qui a écrit plusieurs articles sur la sainte
D’après son histoire, Saïda Manoubia aurait ainsi suivi des cours de jurisprudence islamique chez des disciples masculins et aurait même prié à la mosquée Zitouna, un acte révolutionnaire dans le monde musulman du 12ᵉ siècle. Son parcours, inédit pour une femme à l’époque, alimente beaucoup de légendes. « C’est une sainte qui tenait toujours une canne avec laquelle elle frappait le sol, pour représenter le pouvoir, poursuit Rym Lajmi, et qui commandait les hommes sur la terre et les esprits également. »
Le mausolée a été incendié, comme une trentaine d’autres, après la révolution de 2011, par des extrémistes religieux. Aujourd’hui restauré, il reste un refuge pour tous et surtout les plus marginalisés sur le plan social.
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