Reportage culture

Photographie: «Ne m'oublie pas», l'exposition des photos de portefeuille

Publié le :

Dans le sud de la France, la ville d'Arles accueille chaque été le plus grand rendez-vous international de la photographie en France. Parmi les nombreuses expositions, l'une d'elle, intitulée Ne m'oublie pas, a accroché l'œil de notre journaliste.

L'exposition « Ne m'oublie pas », aux Rencontres d'Arles, met en lumière une foule d'inconnus, dont les photos sont perdues.
L'exposition « Ne m'oublie pas », aux Rencontres d'Arles, met en lumière une foule d'inconnus, dont les photos sont perdues. © Avec l’aimable autorisation de la Collection Jean-Marie Donat.
Publicité

Qui sont-ils, ces visages d'hommes par centaines, petits tirages photographiques collés les uns contre les autres, et ce jeune couple d'amoureux en grand format, ou cette mère de famille africaine posant fièrement, entouré de ses cinq enfants. L'exposition s'intitule Ne m'oublie pas.

Le collectionneur et éditeur Jean-Marie Donat présente à Arles une archive du studio Rex, un studio photographique du centre de Marseille dans le quartier populaire de Belsunce, quartier d'immigration qui a recueilli pendant des décennies les travailleurs migrants arrivant au port. D'émouvantes photographies que Jean-Marie Donat appelle les photos de portefeuille : « Ce sont des photos de la femme, de l'enfant, des parents, des amis restés au pays et qui sont un peu des photos talisman, des photos gris-gris, des photos souvenirs que ces hommes gardent avec eux. Ces photos, ils les déposent au studio Rex pour en faire des agrandissements, des duplicatas. Elles ont été mises à mal dans le portefeuille abîmé. Ces photos sont déposées au studio pour aussi en faire des photomontages. On est dans un studio tenu par une famille d'origine arménienne, ils avaient une pratique qui leur permettait d'à partir de ces petites photos d'amateurs, de les réunir sur des photomontages qu'eux-mêmes colonisaient. » 

L'histoire universelle d'invisibles 

Ces photos sont toutes anonymes et datent des années 1960. Sur les tirages : des hommes venus d'Afrique sub-saharienne, du Maghreb et des Comores dont on ne connaît pas l'histoire : « Ces hommes étaient invisibilisés. Ils sentaient bien qu’ils n’étaient pas vraiment les bienvenus. C’est quand même l'époque où il y a beaucoup de crimes racistes, de “ratonnades”, comme on disait à l'époque à Marseille. Donc, soit ces hommes sont invisibilités, soit ils font tout pour passer inaperçu. Ce qui est intéressant avec cette archive, c'est que c'est la première fois qu'on voit des gens qui vous regardent de face, droit dans les yeux, et ça, c’est important. » 

Jean-Marie Donat possède 14 000 photos d'identité et n'en expose qu'une infime partie. Le visiteur s'attarde sur les photos de studio... « Ça, ce sont des très belles photos où les gens, les hommes, posaient avec leurs plus beaux atours, avec des signes de la réussite : l'attaché-case, la radio, etc. Ce sont des photos qu’ils envoyaient au pays. Moi, ce qui m'a fasciné, c'est qu'enfin, on voyait des personnes et on était plus dans des statistiques, dans des pourcentages, dans des courbes d'immigration. C'est ce qui me touche. C'est une petite archive régionale qui vient d'un petit souci de Marseille, mais c'est une histoire universelle. » 

Personne ne s'est encore reconnu sur ces photographies sans nom et sans légende, mais qui sait ? Peut-être qu'un jour quelqu'un racontera son histoire à Jean-Marie Donat. 

À lire aussiRencontres d'Arles: pèlerinage des Voyageurs aux Saintes-Maries-de-la-Mer, par-delà les clichés

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes