L'exposition «Amazônia» au Quai Branly: les autochtones ont la parole
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Malgré cinq siècles de contact avec l'Amazonie, ce territoire est toujours perçu comme mystérieux, notamment par les Européens. Beaucoup imaginent à tort une immense forêt vierge peuplée d'Amérindiens, isolés du reste du monde. Un décor exotique figé, vision réductrice et même fausse de cette région du monde. Au Quai Branly, l'exposition « Amazônia, Créations et futurs autochtones » rétablit une forme de vérité en donnant à voir un point de vue plus juste : celui des peuples autochtones.


Coiffes traditionnelles, masques, poupées en argile, corbeilles à manioc, flèches ou encore urnes funéraires : plus de deux cents œuvres sont rassemblées au Quai Branly, entre objets, peintures, sculptures, photos et vidéos. Denilson Baniwa, artiste et militant brésilien pour les droits des peuples autochtones et co-commissaire de l'exposition « Amazônia » : « Nous avons un grand cliché sur l'Amazonie : c'est juste une vaste zone inhabitable, très inhospitalière à l'humain. Alors qu'il y a plusieurs peuples qui y vivent, et qui s'épanouissent dans leurs territoires. Et un deuxième cliché, c'est qu'il faut préserver cet endroit. Donc, on veut le préserver sans demander aux gens qui sont là-bas ce qu'ils pensent de cette préservation, comment eux, ils veulent se connecter avec le monde, comment eux, ils veulent protéger la forêt ».
La pluralité de l'Amazonie
L'exposition renverse ainsi le regard, loin de la vision occidentale, plus proche du vécu des autochtones, de leurs désirs et de leur mode de vie. Chaque œuvre, au-delà de son aspect esthétique, porte une signification politique ou chamanique. Les masques font surgir des entités surnaturelles parfois dangereuses, les diadèmes sont à l'image d'un défunt particulier selon leurs couleurs et les plumes utilisées, les peintures corporelles marquent naissances, fêtes ou un deuil. Pour Leandro Varison, anthropologue brésilien et co-commissaire, il faut avant tout saisir la pluralité de l'Amazonie : ses environnements, ses langues, ses futurs.
Il explique : « Les peuples autochtones sont très divers, à la fois d'une communauté à l'autre, mais même au sein d'une seule communauté. Nous avons des autochtones qui habitent en ville, qui ont un compte en banque, qui vont faire leurs courses au supermarché. Et nous avons des autochtones isolés, qui ne parlent pas d'autres langues et qui refusent tout contact. Donc entre ces différentes situations et les différentes réponses apportées aux communautés, tout est très varié, c'est presque du sur-mesure. Il y a une résistance formulée – ou en train d'être formulée – par ces communautés pour repenser à comment nous pouvons réfléchir à ces menaces qui pèsent sur nous. À la fois en replongeant dans notre propre histoire, à la fois en récupérant et en rendant plus forte notre culture, mais aussi en récupérant des instruments qui nous sont offerts par le monde global. »
Avec « Amazônia », l'art contemporain prend un tout autre sens puisque tout est lié au vivant, aux humains, aux plantes et aux esprits. L'exposition se veut claire : non, l'histoire de l'Amazonie ne commence pas avec la colonisation et non, ce territoire ne se résume pas aux menaces futures. Et si les communautés autochtones paraissent isolées, nous le sommes tout autant d'elles.
L'exposition « Amazônia, Créations et futurs autochtones » est à voir au Quai Branly à Paris jusqu'au 18 janvier prochain.
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