Reportage culture

Le Bénin en majesté au musée Albert-Kahn de Boulogne-Billancourt

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À quoi ressemblait le Dahomey de 1930 ? Une exposition historico-ethnographique se tient actuellement au musée Albert-Kahn de Boulogne-Billancourt, en banlieue de Paris, jusqu'en juin prochain. On y découvre des centaines de clichés et de films pris à l'époque par une expédition financée par l'homme d'affaires Albert Kahn, et organisée par un prêtre missionnaire, le père Aupiais. L'exposition s'intitule « Bénin aller-retour, regards sur le Dahomey de 1930 ». 

Dahomey (Bénin) 1930, photogramme. Vodúnon exécutant la danse d’Héviosso. Par Frédéric Gadmer.
Dahomey (Bénin) 1930, photogramme. Vodúnon exécutant la danse d’Héviosso. Par Frédéric Gadmer. © CD92 - Musée départemental Albert-Kahn 2
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En janvier 1930, un drôle d'équipage quitte Paris pour le Dahomey. L'opérateur Frédéric Gadmer transporte de lourdes caméras et des appareils capables de produire des autochromes en couleurs, ancêtres de la diapositive. À ses côtés, se tient le père missionnaire Francis Aupiais. Un bien curieux missionnaire. Censé évangéliser le Dahomey, il tombe amoureux de sa culture et de sa religion, le vodun. 

« C'est un personnage très intéressant, parce qu'il est complètement acteur de la colonisation et, à la fois, c'est quelqu'un qui n'a pas du tout les préjugés de son époque », explique Julien Faure-Conorton, l'un des commissaires de l'exposition. Ce dernier a travaillé pendant des années sur les 1 102 clichés et les 140 bobines de films rapportés par l'expédition. Une équipée financée par le mécène Albert Kahn, soucieux de documenter les richesses du monde avant les bouleversements induits par le capitalisme.

« Ce père missionnaire va aller voir Albert Kahn avec un projet double, qui est le projet officiel, à savoir documenter les œuvres missionnaires au Dahomey. Et puis de l'autre côté, ce dont on a l'impression qui constitue le vrai projet qui va être de documenter les pratiques cérémonielles, donc liées à la royauté, et les pratiques cultuelles liées en particulier au vodun. », poursuit Nathalie Doury, directrice du musée Albert-Kahn. 

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Il embarque ainsi sur les routes du Dahomey. Il est un opérateur soucieux d'exactitude documentaire et un missionnaire que sa hiérarchie regarde de biais en raison de sa fascination pour les colonisés.

« Il utilise la culture traditionnelle du Dahomey pour démontrer la valeur de cette culture aux Européens. C'est pour cela qu'il se focalise sur les cérémonies vaudoues, les cérémonies royales et funéraires, parce qu'elles sont l'occasion pour lui de montrer la sophistication de la culture traditionnelle du Dahomey. Et donc finalement, par un raisonnement par l'absurde, de dire : "Vu que ces gens-là sont si sophistiqués, et que leurs cérémonies sont si élaborées, on ne peut pas les traiter comme des gens inférieurs" », décrypte Julien Faure-Conorton. 

Près d'un siècle après, les commissaires ne se sont pas contentés de présenter les films et les autochromes dans une scénographie léchée. Ils ont aussi choisi d'interroger des artistes contemporains. « Il s'agissait déjà d'offrir des contrepoints thématiques, politiques aussi, sur le regard occidental. Et c'est pour cela que des artistes comme Ishola Akpo ou Roméo Mivekannin sont très importants, car ils permettent de contrebalancer ce poids historique qui est assez pesant sur ces images », précise David-Sean Thomas, co-commissaire.

Sept artistes béninois et africains proposent donc des tableaux, des photos, des vidéos questionnant le regard ethnographique. L'exposition a aussi donné lieu à une collaboration scientifique avec des chercheurs béninois. Et tous les documents présentés sont d'ailleurs accessibles via internet au public international. 

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