Reportage France

Présidentielle française: les quartiers populaires ne se sentent pas représentés politiquement

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Alors que chaque parti et candidat va entrer en opération séduction, comment les politiques sont-ils perçus depuis les quartiers populaires ? À Roubaix dans la banlieue de Lille au Nord de la France, un foyer sur deux vit avec 1 000 euros par mois et des problèmes de logement, de propreté et de criminalité se superposent. Dans ces quartiers au fort taux d’abstention, on ne se sent pas représentés politiquement. 

Vue de Roubaix, dans le Nord de la France.
Vue de Roubaix, dans le Nord de la France. © Shutterstock/Wirestock Collection/Contributeur
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À la télévision, quand on parle de Roubaix, on entend généralement que la ville, « ancienne cité aux industries prospères, connaît depuis un taux de chômage record et une criminalité qui explose ». Alors c’est vrai, en 2018, sur près de 100 000 Roubaisiens, 44 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté et 30 % étaient au chômage.

Mais pour Asma, étudiante de 20 ans, les médias et les politiques ne s’intéressent qu’aux aspects négatifs des quartiers populaires. « En fait, on est toujours là à nous blâmer, à nous pointer du doigt, à dire ce qu’on fait de mal... Mais jamais on n’essaie de savoir ce qui se passe bien. On ne cherche jamais à savoir comment améliorer notre quotidien. On pense que c’est en mettant plus d’effectifs de police que cela va bien se passer. Non, il n’y a pas que ça, il faut aussi reconstruire des bâtiments, il faut aussi mettre plus de poubelles dans les rues », cite-t-elle.

Roubaix, c’est aussi 80 % d’abstention lors des dernières élections régionales. Rien qui n’étonne Nassim, 25 ans, engagé dans des associations de terrain, ainsi qu’au parti Europe écologie-Les Verts. « On pleure à chaque fois qu’à une élection, où l’abstention est mirobolante, mais à un moment donné, vous les infantilisez, vous les traitez comme les problèmes de leur propre territoire. Je trouve ça fou ! », s’exclame Nassim.

L’absence des politiques sur le terrain

Ne pas se sentir écoutés, avoir l’impression d’être rangé dans la case « clichés » et, comme Asma, remarquer l’absence des politiques sur place, qu’ils soient de gauche comme de droite. « Le rôle d’un député est de faire des sessions au Parlement et ensuite de venir rencontrer les citoyens de sa circonscription. Je n’ai jamais su comment rencontrer le député du Nord, je n’ai jamais eu cette information. C’est un peu dommage parce que c’est leur rôle, en fait », déplore Asma.

Ajoutez à cela qu’aucun élu ne ressemble à ces habitants. Une photographie de l’Assemblée nationale suffit pour constater l’absence de femmes, de personnes racisées ou encore d’ouvriers. Pour le sociologue Éric Fassin, il serait temps de changer de regard sur les banlieues. « En politique, l’idée qu’il n’y a pas des catégories à part qu’il faudrait traiter de manière différente, c’est cela l’enjeu démocratique. Autrement dit, si l’on peut penser politiquement, il ne faut pas réduire les gens à une culture supposée, il faut les penser comme des sujets politiques. Des gens capables de penser par eux-mêmes, de décider de ce qui leur paraît souhaitable, de s’engager, de se battre et donc, de contribuer à changer le monde », analyse le sociologue. 

À Roubaix, on ne sait pas si on ira aux urnes pour la prochaine présidentielle, mais l’engagement politique existe pourtant – différemment –, en témoignent l’implication des habitants pour des projets éducatifs, culturels ou de loisir. 

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