Reportage France

La PMA pour toutes: un démarrage laborieux face à l’explosion des demandes

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En France, l'adoption de la loi bioéthique au début de l’été a bien ouvert à toutes les femmes l’accès à la procréation médicalement assistée, mais dans les faits, la prise en charge des femmes concernées s’effectue très lentement. 

Katharina, Adeline et leur fils de 6 mois conçu grâce à l'assistance médicale à la procréation, la PMA . Bordeaux le 19 août 2019. (Image d'illustration)
Katharina, Adeline et leur fils de 6 mois conçu grâce à l'assistance médicale à la procréation, la PMA . Bordeaux le 19 août 2019. (Image d'illustration) AFP - ERIC CABANIS
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« Chez nous, ça sera fin janvier, début février. Vous n'allez pas au magasin des paillettes » La formule imagée employée par le professeur Catherine Guillemain et les délais d'attente pour un premier rendez-vous qu'elle évoque résument assez bien la situation vécue par celles qui ont enfin accès la PMA pour toutes.

La loi est passée. Les femmes seules et les couples de femmes peuvent désormais y prétendre, comme les couples hétérosexuels infertiles. Mais pour avoir accès aux paillettes, ces tubes qui contiennent le sperme récolté par les 30 centres d'étude et de conservation (Cecos) qui existent en France, le processus s'annonce encore très long. Car l'afflux de nouvelles demandes – 3 500 estimées pour 2021 contre 1 000 attendues – n’avait pas été anticipé.

Catherine Guillemain dirige l'un de ces Cecos, en l'occurrence celui de l'hôpital de la Conception à Marseille où l'on essaye de s'organiser face à des demandes qui ont explosé depuis l'été. « On a eu en deux mois deux à trois fois plus de nouvelles demandes de couples de femmes et de femmes non mariées que de demandes sur une année de couples infertiles ! Ça submerge tous les standards et c’est vrai dans tous les centres, constate Catherine Guillemain. Devant cet afflux de nouvelles demandes, devant cet embouteillage, qu’est-ce que l’on peut faire ? On peut se mettre petit à petit en ordre de marche pour organiser ces prises en charge, mais ça ne marche que lorsque l’on a du personnel prêt et qui a le temps d’accueillir toutes ces nouvelles demandes. »

Mais les femmes qui attendent ce premier rendez-vous d’un processus lui-même très long ont beau comprendre, la situation n'en est pas moins difficile à vivre.« Ce n’est pas forcément une surprise. Certaines femmes s’y confrontent de façon assez violente, parce qu’elles ont des difficultés à obtenir des rendez-vous, explique Céline Cester, qui dirige l'association Les Enfants d'Arc en Ciel. Il y a des centres qui ont été très réactifs et qui ont proposé des rendez-vous rapidement et annoncé des délais entre six et douze mois. D’autres centres ont mis du temps à réagir et les rendez-vous disponibles sont pour 2022, voire ne donnent pas de rendez-vous pour certains. Ils annoncent des délais très longs, supérieurs à 18 mois. Ça fait des années qu’on attend, alors c’est sûr que là, entendre encore une fois, "il faut patienter, il va falloir du temps" c’est difficile. » 

Une situation difficile des deux côtés et prise en compte par le ministère de la Santé. Une rallonge budgétaire de huit millions d'euros a été allouée mi-septembre, mais comme le dit le docteur Claire de Vienne, référente PMA à l'Agence de biomédecine : « La période actuelle, c’est une période transitoire, assez inconfortable pour tout le monde, à commencer par les personnes concernées, puisque ce dont les centres de dons ont besoin aujourd’hui, c’est d’accueillir les femmes. Des stocks de paillettes, de spermatozoïdes, de donneurs, on les a. Maintenant, il faut accueillir, beaucoup, beaucoup de femmes en consultation. L’argent arrive dans les établissements, il faut recruter des personnes formées et compétentes dans ces domaines et ça prend du temps. »

Du temps perdu par manque d’anticipation regrettent – le mot est faible – les associations de femmes comme les médecins qui doivent les accueillir.

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