Reportage France

Julia Sedefdjian: jeune cheffe étoilée

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Le 31 décembre, un réveillon qui éveille les papilles ! Depuis 6 ans, Julia Sedefdjian vit avec un titre un peu pesant, mais sérieusement gratifiant : « Plus jeune cheffe étoilée de France » : un titre dignement décroché à Paris alors qu'elle n'avait que 21 ans. Depuis, l'étoile ne l'a pas quittée. La jeune Niçoise a ouvert son restaurant Le Baieta dans le 5e arrondissement et s'épanouit franchement à travers une cuisine niçoise qui lui ressemble tant.

Julia Sedefdjian est la plus jeune cheffe étoilée au guide Michelin de France.
Julia Sedefdjian est la plus jeune cheffe étoilée au guide Michelin de France. © AFP / FRANCK FIFE
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Son père est Arménien et sa mère d'origine sicilienne, un accord parfait pour une cuisine méditerranéenne. Son plat signature est la bouillabaisse revisitée. Mais en ce réveillon du 31 décembre, voici quelques découvertes : coussin truffé, compotée d’oignons, anchois de Cantabrie, foie gras au naturel, poudre de champignons, gelée de verjus tartelette d’oursins, deux textures, cédrat confit et turbot en court-bouillon, artichauts Camus et châtaignes, beurre blanc truffé, caviar osciètre... Et en dessert, une déclinaison d’agrumes de son enfance, biscuit moelleux, crémeux à la vanille de Madagascar et sorbet litchi. Si elle a beaucoup de talent, Julia reste humble et partage son étoile avec toute son équipe. 

Ses grands yeux noirs brillent comme le glaçage d'un éclair. Un piercing souligne une bouche bien dessinée. Julia Sedeffjian entre dans la cuisine, en veste noire et tablier violet : elle salue son équipe.

Pour la plus jeune cheffe étoilée de France, la cuisine, c'est d'abord du son et des bruits : la casserole sur le feu, le hachoir, la cuillère en bois dans la cocotte, les épices que l’on pile, l’œuf que l’on casse. Comme les musiciens, Julia travaille à l'oreille.

« En cuisine, on a besoin de nos cinq sens. D'un son, je vais entendre que ça va trop fort. Il y a les bons et les mauvais bruits. Beaucoup de choses se passent sur le fourneau. Par exemple, quand on met nos viandes pour colorer les jus, ça crépite. Quand on entend ça, on sait qu’il va y avoir une belle coloration. [On entend quelque chose tomber]. Vous entendez, ça, c'est un mauvais bruit »

Redorer le blason du maquereau

La cuisine de Julia lui ressemble, elle est franche et raffinée.

« Moi, j’aime bien toucher, avoir des goûts prononcés, travailler des épices, des goûts. J’utilise rarement du caviar, de la truffe. J’aime travailler des produits simples, parce que c’est ce qui m’a fait aimer la cuisine. Ma mère me faisait des plats simples. Pour exemple, pour un poisson, ma touche, c’est la cuisson, la garniture, ça va être le truc qui va faire que le plat va être un peu plus acide. On va le travailler de manière à ce qu’un simple maquereau devienne un maquereau que l’on peut servir sur une table étoilée ».

Redorer le blason du maquereau, ce poisson bleu inventé pour les fauchés, afin de régaler les becs fins, voilà le bon plaisir de Julia. 

Même si son plat de fêtes tourne cette année autour de l'élégante langoustine rose, orangée, avec ses sucs de pinces et d’agrumes. « On va travailler autour d’une langoustine rôtie, nacrée à cœur, avec une déclinaison autour de la courge de Nice. On peut avoir des kumquats. J’adore travailler l’acidité, j’adore travailler l’amertume. On a là un beau produit avec la langoustine, la courge va amener un peu de douceur, un peu de sucrosité. »

Si la jolie brune est une orfèvre de l’acidité dans l’assiette, c'est qu'elle a grandi à Nice dans le sud de la France. « Moi j’adore les agrumes. J’ai des souvenirs, forcément, Menton est près de chez moi. Les citrons de Menton, les agrumes, j’en ai mangés pendant mon enfance. »

« On goûte toute la journée »

La jeune cheffe emploie le mot travailler. On travaille un poisson ou une viande, on lui tient tête. Il y a un face-à-face parfois tendu entre le produit et le chef.

« J’aime sentir, j’aime rentrer en contact avec le produit. J’adore arriver le matin, sortir le poisson, le lever, essayer de le comprendre, voir comment on va le cuisiner. C’est d’abord ça notre métier de cuisinier : c’est de comprendre la cuisine. Il y a une part d’intuition, une part de feeling avec l’assiette, de la précision, de la rigueur. Le plus dur, c’est de faire bien tous les jours ».

Et puis il faut goûter. Pendant notre conversation, un grand gaillard, qui seconde la cheffe, soulève le couvercle d'un faitout où frissonne un bouillon. Il en prélève une cuillère pour vérifier l’assaisonnement.

« On goûte toute la journée. On goûte ce que l’on fait pendant le service, on ré-assaisonne, on modifie. Pendant le service par exemple, il y a des choses au chaud, et au fur et à mesure de la réduction, ça va se concentrer en sel. Donc, si on ne goûte pas, au fil du service, ce sera trop salé. On adapte alors en ajoutant un peu de bouillon. »

À l’heure du coup de feu du soir, Julia inspecte une première assiette sur le comptoir, la fait tourner, rectifie la position d'une petite herbe indisciplinée. Alors, on s'en va sur la pointe des pieds pour laisser jouer sereinement cet orchestre en toque et tablier.

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