JO 2024: des Maliens sans-papiers travaillaient sur un chantier du village des athlètes
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Les chantiers des JO de Paris 2024 devaient être exemplaires. Une charte sociale avait même été signée en juin 2018 entre les pouvoirs publics, les organisations patronales et syndicales. Mais la réalité semble quelque peu différente. Fin mars, l'inspection du travail a découvert que huit Maliens sans-papiers travaillaient à la construction du village des athlètes, à Saint-Denis, au nord de Paris. Ils étaient employés par un sous-traitant de GCC, grand groupe de BTP. Un classique dans cette branche d'activité.

Sous l'œil droit, Sidi Tounnkara a une marque. La cicatrice d'une blessure qu'il s'est faite en travaillant sur le chantier du village des JO. Quand il va à l'hôpital pour se faire soigner, ce Malien de 32 ans se garde bien de dire dans quelles circonstances c'est arrivé : sur ordre de son patron, un homme qui le menace régulièrement.
« À chaque fois, il nous dit que si on ne travaille pas, il y a beaucoup de sans-papiers et donc qu'il peut nous virer à tout moment. Et que si on n'est pas content, on peut prendre la porte. »
Alassane Traoré travaillait pour le même employeur, mais sur d'autres chantiers. Lui aussi décrit des conditions de travail indignes. Les tâches les plus dures reviennent systématiquement aux ouvriers sans-papiers.
« Tu peux passer la journée, voire la semaine, à travailler avec des marteaux-piqueurs ou avec la masse qui pèse 10 kg. Souvent, on travaille aussi dans des chantiers amiantés. On est souvent exposé à pas mal de risques. Bon, on a quand même un casque et des gants. Hormis cela, la tenue de travail, c'est nous qui nous démerdons pour l'avoir, y compris les chaussures de sécurité aussi. Le patron, il profite de ta situation. »
Une utilisation systématique des sans-papiers dans le BTP en France
À cela s'ajoutent les heures supplémentaires non payées, les indemnités de repas et de transport non versées. Sans compter que les travailleurs sans-papiers ne cotisent ni pour la retraite, ni pour le chômage. Alassane Traoré et ses camarades ont fini par dire stop et par pousser la porte du syndicat CGT à Bobigny, comme l'explique Jean-Albert Guidou, responsable des travailleurs étrangers en Seine-Saint-Denis.
« Dès que j'ai su qu'il y avait les Jeux olympiques, je me suis dit : "Ça va nous attirer du boulot supplémentaire". Pour une raison simple, c'est que le système et l'organisation du BTP en France, avec l'utilisation systématique de la sous-traitance, non pas d'une sous-traitance technique, mais simplement de la sous-traitance qui apporte de la main-d'œuvre corvéable à merci, flexible, pas cher, aboutit à l'existence sur les chantiers de très très nombreux travailleurs sans-papiers. Là, c'est la responsabilité des grosses entreprises du BTP, parce que ce sont elles qui font appel à la sous-traitance, qui ne surveillent pas leurs chantiers ni leurs sous-traitants. »
De son côté, GCC répond qu'elle n'avait aucun moyen de savoir que l'un de ses sous-traitants faisait travailler des ouvriers au noir. Légalement, l'entreprise ne peut pas contrôler leurs papiers, explique l'un de ses représentants. Une enquête de l'inspection du travail visant le responsable de la société sous-traitante est actuellement en cours.
Les Maliens, eux, ont obtenu leur régularisation rapidement, mais la lutte continue. Avec l'aide de la CGT, ils comptent saisir les Prud'hommes pour se faire payer leurs heures supplémentaires. Ils demandent également à GCC de les embaucher en CDI. Une première rencontre a eu lieu ce 24 mai.
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