La carte postale du Tour: anatomie des chutes

Après dix jours de courses, on compte 15 abandons sur les routes du Tour. Le Covid a fait des dégâts…mais les chutes aussi, notamment sur la redoutable étape des pavés de mercredi. Il y en a plus aujourd’hui qu’il y a vingt ans et des plus spectaculaires. Explications avec les premiers témoins de ces chutes, photographes et journalistes au cœur du peloton.

L'Australien Jack Haig reprend des forces après une chute lors de la 5e étape du Tour de France, le 6 juillet 2022. © AFP/Marco Bertorello

De notre envoyé spécial à Alberville,

Étienne Garnier est intarissable en anecdote. Son métier officiel : photographe pour le journal L’Équipe. Son officieux : repéreur de chutes. Il doit toujours être au plus près du peloton sans gêner les coureurs. « Faire des photos à moto, c’est du bruit, c’est l’odeur du peloton... On peut sentir une chute arriver quand il y a la nervosité qui vient dans le peloton quand ça accélère, quand on est dans les derniers kilomètres », décrit-t-il. « C’est là par exemple que le train des sprinteurs se met en place et c’est là que la tension arrive. Ça ne rigole plus, ça ne discute plus, et on voit aussi le compteur de la moto commencer à s’affoler. »

Dans le peloton, même à 70 km/h, les coureurs frottent beaucoup plus qu’avant. Les années passent et la tension s’est accentuée. « Aujourd’hui, les carrières sont amenées à durer de moins en moins longtemps. Les coureurs sont sommés de gagner de plus en plus d’argent sur une durée rétrécie », explique Pierre Carrey, journaliste spécialiste de cyclisme. « Ça veut dire qu’ils n’ont pas le droit à l’échec, ils ne peuvent pas avoir de jours sans. La tension est permanente. Elle est permanente sur toutes les étapes d’un Tour de France. La notion d’étape de repos est en train de disparaître. Dans l’oreillette, leur directeur sportif leur intime l’ordre de remonter tout le temps. Or le problème, c'est que tous les coureurs ne peuvent pas remonter. »

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« Trop de cowboys »

Résultats des courses : le Tour 2022 n’échappe pas à la règle. De nombreuses chutes où les coureurs valsent comme des quilles. David Gaudu, le leader de la Groupama-FDJ, en a fait les frais entre Dole et Lausanne samedi dernier. « Un Tour de France sans chute, c’est compliqué, prévient le coureur. Je suis sûr que tous les coureurs vous diront qu’ils sont tombés sur tous les Tours de France qu’ils ont faits au moins une fois. Si c’est notre seule journée un peu pourrie du Tour – parce qu’il y en a toujours une –, je signe direct, on ne perd pas de temps, il n’y a pas de bobo... » 

Certains coureurs prennent trop de risques, c’est ce qui se dit dans le peloton. Il y aurait « trop de cowboys », prêts à aller au tapis, quitte à embarquer avec eux des concurrents ou même des équipiers. Changement d’époque, Bernard Thévenet, double vainqueur du Tour dans les années 1970, tente une explication sur ces chutes répétitives. « C’est vrai qu’il y a plus d’écueils qu’avant. Il y a des ronds-points, des îlots directionnels... Curieusement, les chutes ne se produisent pas dans ces endroits dangereux. Est-ce que c’est peut-être aussi à cause des oreillettes ? », se demande-t-il.

Et d'ajouter : « Avec les oreillettes, les coureurs entendent moins, avec les freins à disque ça freine mieux, mais les coureurs n’entendent pas alors que les freins patins crissaient un peu, on entendait un peu avant quand ça commençait à freiner, maintenant on n’entend plus. » Hormis une chute de Thibaut Pinot doublée juste après d’un coup de poing involontaire d’un assistant. Il n’y a pas encore eu de polémiques sur ce Tour. Les esprits semblent plus apaisés après une édition 2021 mouvementée.

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