Reportage France

Sobriété énergétique et télétravail, mode d’emploi

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Pour faire face à la crise énergétique qui menace la France et l'Europe, le gouvernement incite les entreprises à travailler à distance, quand elles le peuvent. Le recours au télétravail permet-il d'économiser de l'énergie ? Nous avons posé cette question aux chefs d’entreprise et aux salariés.

L'organisation hybride du travail est de plus en plus fréquente dans les start-up.
L'organisation hybride du travail est de plus en plus fréquente dans les start-up. © RFI / Agnieszka Kumor
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Dans l’espace de co-workingsitué au cœur du Marais à Paris, un bureau au premier étage attire le regard. Il se distingue des autres bureaux par des feuillets Post-it jaunes collés sur la partie haute de la vitre.

« Ce sont les coordonnées des clients qu'il faut absolument rappeler », indique Frédéric Dermer. L’homme aux allures de joueur de rugby est cofondateur et directeur général de Fixter, spécialiste de la numérisation de la maintenance automobile. Cette start-up franco-britannique créée en 2017 par Limvirak Chea, Cristian Vrabie et lui-même, a été rachetée en juin 2022 par Renault.

Une réflexion énergétique

Benjamin, l’un des employés, rappelle un client. Le garage n’est pas prêt. Il va falloir trouver une autre date pour la prise du véhicule. Chez Fixter, il faut savoir gérer les problèmes dans l'urgence. Cette plateforme entièrement numérisée qui relie les clients aux garagistes n'a pas attendu l'appel du gouvernement pour organiser ses équipes.

« Cela faisait cinq ans que je télétravaillais deux jours par semaine. Cela a été amplifié par la pandémie où on a fait 100% de télétravail pendant dix-huit mois. Et maintenant, c'est remis dans un nouveau rythme. Comme dans toutes les entreprises, on a eu des discussions avec nos salariés. Je pense que la réflexion énergétique a joué. Les développeurs informatiques sont à quasi 100%, parce que c'est ce qu'ils souhaitent faire et c'est ce qui est efficace pour la boîte. Et dans d'autres services, on est plutôt dans un mode mixte. Le principe de base étant deux à trois jours de télétravail par semaine », explique Frédéric Dermer.

Des économies de pétrole significatives

Un certain équilibre semble avoir été trouvé dans l’entreprise. Mais travailler de chez soi permet-il réellement de réduire la consommation d'énergie ? Difficile à dire, avoue ce chef d'entreprise. À moins de fermer l'ensemble de l'immeuble. Sur le plan énergétique, on économise surtout sur les trajets entre domicile et bureau. « L’instauration d’un jour de télétravail par semaine permettrait de réduire la consommation de pétrole d’environ 170 000 barils par jour », indiquait l’Agence internationale de l’énergie dans son rapport publié en mars dernier.

Marina Caimel organise le planning des chauffeurs qui récupèrent les véhicules chez les particuliers et les amènent au garage, puis font le chemin inverse. Contactée par téléphone sur le site londonien de Fixter, elle a déjà fait ses calculs : « Aller au travail en métro, c'est plus court, mais c’est aussi beaucoup plus cher. Le trajet en bus est plus économique, mais cela me prend plus d'une heure. J'aime le travail au bureau, car j’y retrouve mes équipes, mais je vois aussi les bénéfices du télétravail. Certes, je paie plus pour l'électricité et le gaz, mais c'est zéro dépense pour mes déplacements ».

Sobriété énergétique et télétravail

L’innovation

De l’autre côté de la capitale, Artifeel, une start-up qui construit des alarmes, occupe un petit bureau dans un espace de co-working. De la taille d'un smartphone, cette alarme s’installe sur la porte d'entrée et permet de détecter les tentatives d'intrusion sans avoir à saisir de code ou à badger. Son arme secrète : le boîtier est doté d'intelligence artificielle.

Alain Staron, fondateur de cette jeune pousse, n'exclut pas le travail à distance pour le bien-être de ses collaborateurs. « Après, je mets des limites. Nous inventons un produit. Inventer un produit, c'est passer sa vie à résoudre des problèmes. Et c'est passer sa vie à avoir des idées et à les mettre en œuvre. Ce travail précis d'innovation ne se fait pas à distance. On a eu un candidat qui a dit : je veux travailler d'Irlande. On lui a dit non, ce n’est pas possible parce que jamais, tu ne pourras échanger suffisamment. Chez Artifeel, nous nous sommes entendus sur deux jours par semaine de télétravail en début et en fin de semaine. L'idée est que tout le monde travaille en même temps et tout le monde est là en même temps », estime-t-il.

Redwane Ait Ouammi est ingénieur chez Artifeel et a choisi de ne pas télétravailler. « Personnellement, je préfère être présent parce que ça permet d'échanger, de faire immerger des idées. Je prends les transports en commun. J'ai de la chance d'avoir un trajet direct. Et donc, je prends le temps pour faire de la veille technologique », affirme-t-il.

Quelles contreparties financières pour les télétravailleurs ?

Sobriété et télétravail, les calculs ne sont pas si évidents. Et puis il y a les facteurs environnementaux, comme les déplacements extraprofessionnels ou l’utilisation d’outils énergivores pour les visioconférences. « Il y a une volonté de transférer le coût de l'entreprise au salarié. En conséquence, le fait d’affirmer que passer en télétravail permet de dépenser moins d'électricité, rien n'est moins sûr. De toute façon, on va vers une organisation hybride, il n'y aura pas de retour, assure Jean-François Foucard, secrétaire national de la CFE-CGC chargé de l’emploi et de la formation. La question, c'est le volume du nombre de jours télétravaillés, les règles aussi ».

Des règles qui devront désormais prendre en compte les économies d'énergie.

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