Reportage France

#MeToo, cinq ans après: «le nombre de plaintes a augmenté, mais la condamnation pour viol a baissé»

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Il y a cinq ans, l’affaire Weinstein éclatait aux États-Unis. Dans la foulée, avec un simple slogan sur les réseaux sociaux, la parole des femmes victimes de violences sexuelles et sexistes se libérait à l’échelle planétaire. La vague #MeToo emportait tout sur son passage. Elle n’est jamais vraiment retombée. Mais quels ont été ses effets concrets en France ?

Près de 100 000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viols chaque année.
Près de 100 000 femmes sont victimes de viol ou de tentatives de viols chaque année. AFP/Bertrand Guay
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Anna répond à l’une des trente femmes qui a appelé, ce jour-là, la ligne d’écoute Viols-Femmes-Informations : le 0 800 05 95 95. Emmanuelle Piet est présidente du Comité féministe contre le viol depuis trente ans. Il y a cinq ans, les appels reçus avaient augmenté de 20%.

« Plein de femmes qui se disaient “je n’en parlerais pas, c’est fini, c’est foutu” se disent “mais ces femmes-là, si courageuses, qui parlent maintenant, alors que c’est arrivé il y a dix ans, il y a vingt ans... Moi aussi je peux dire ce qui s’est passé”. Depuis cinq ans, ce n’est jamais complètement retombé », constate Emmanuelle Piet.

Même phénomène dans le Gard, où Béatrice Bertrand dirige l’antenne locale du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles : « D’un seul coup, on a eu un boom. Mais après, qu’est-ce qu’on fait de cette parole ? Il ne faut pas la boîte de Pandore, cela ne suffit pas uniquement », dit-elle.

Le rôle-clé des associations

Les associations ont été en première ligne pour la recevoir et l’accompagner, cette parole libérée. La directrice générale du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, le CIDFF, Clémence Pajot rappelle : « Le premier message que l’on adresse aux femmes, c’est de leur dire “je vous crois, vous n’êtes pas responsable de ce qui vous est arrivé et vous n’êtes plus seules.” »

Puis elle ajoute : « Ensuite, notre rôle, c’est de leur apporter une information claire, documentée, sur leurs droits, sur la manière dont la loi condamne ces violences et sur le parcours judiciaire. Mais la décision de porter plainte – ou pas –, c’est à elles de prendre cette décision. »

Elles peinent à y parvenir, déplore Béatrice Bertrand : « L’obstacle numéro un, c’est qu’elles arrivent en commissariat ou en gendarmerie et on ne va pas pouvoir prendre leur plainte. L’infraction n’est pas suffisamment caractérisée alors que ce n’est pas le boulot [des officiers de police judiciaire] de faire ça, mais plus au procureur de la République, “vous n’avez pas le certificat médical, repassez...” »

Des résultats décevants

Et elles ne sont que 10% à porter plainte en France. Pour un résultat très souvent décevant, constate Clémence Pajot : « Le nombre de plaintes a beaucoup augmenté ces dernières années, notamment dans le prolongement de #MeToo, mais ce qu’on constate aussi paradoxalement, c’est que le nombre de condamnations pour viol a considérablement baissé puisque depuis dix ans, le nombre de condamnations pour viol a baissé de 40%. Et ça, c’est incompréhensible. »

Près de 100 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année.  Il y a eu 732 condamnations en 2020, 80% des plaintes ont été classées sans suite et il faut six ans d’attente en moyenne pour un premier jugement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Pour une justice et une police spécialisées

Si Béatrice Bertrand a obtenu une permanence juridique tous les lundis dans le commissariat de Nîmes, face au manque de formation des policiers, des procureurs et des juges, c’est encore trop souvent la loterie pour les victimes.

« Si les personnes victimes avaient affaire à des policiers et des gendarmes formés intéressés par la question et spécialisés, à des magistrats formés intéressés par la question et spécialisés, on augmenterait terriblement le nombre de condamnations. On a des modèles internationaux qui fonctionnent bien : la Belgique, l’Angleterre, l’Espagne... Donc on sait faire », souligne Emmanuelle Piet.

Mais comme le dit la Fondation des femmes, « #MeToo reste à faire » (sic) pour que la France se dote d’une police et d’une justice spécialisée sur les violences sexuelles.

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