Reportage France

France: la médecine libérale en souffrance

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Les médecins libéraux sont en colère, ils demandent une revalorisation de la consultation (de 25 à 50 euros). Ce qui permettrait selon eux de lutter contre les déserts médicaux, car si les jeunes médecins étaient mieux payés, ils n’hésiteraient pas à ouvrir leur cabinet. La docteure Clémence Richard a 34 ans, elle s’est installée depuis 2019 dans un cabinet médical avec quatre autres médecins dans le village de Rilly-la-Montagne, tout près de Reims.

Manifestation des médecins en décembre 2022. Dr Clémence Richard, en 2e position en partant de la droite.
Manifestation des médecins en décembre 2022. Dr Clémence Richard, en 2e position en partant de la droite. © L.Theault/RFI
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Elle n'est pas très contente qu'on la déshabille, alors elle gigote. Loubna a un peu plus d'un an et elle est auscultée par Clémence Richard. La médecin a enchainé les consultations depuis tôt le matin.

« Il faut être expert en tout en médecine générale en fait. Les petits, les grands, la dermato, la cardio, les urgences, de la psy... Beaucoup de psy... », énumère la jeune médecin. La docteure Richard estime que pour s'en sortir quand la consultation est à 25 euros, il faut faire de l'abattage, une cadence à laquelle elle ne veut pas se soumettre. Elle évoque le cas d'un patient avec des pensées suicidaires.

« Je n'allais pas lui dire “monsieur, c'est bon, le quart d'heure est fini. Au revoir. C'est 25 euros.” J'ai appelé la psychiatre, je l'ai envoyé aux urgences, j'ai essayé de le convaincre. » Aujourd'hui, elle considère qu'on ne peut plus bien travailler. « Soit vous prenez dix minutes par patient et vous enchainez toute la journée, soit vous prenez une demi-heure par patient pour 25 euros parce qu'en plus, on ne peut pas cumuler les actes. Du coup, ce n'est pas rémunérateur sur la journée. »

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Prendre soin, c'est prendre du temps

Est-ce que la surcharge de travail ici au cabinet de santé de ce village à une incidence sur la prise en charge des malades ? « Ils ont un nombre de patients énorme pour le nombre de médecins qu'ils sont dans le cabinet, mais nous, en tant que patient, on ne le ressent pas », dit une personne venue consulter au cabinet. Si la jeune femme a ce ressenti, c'est que Clémence Richard pense que prendre soin, c'est prendre du temps. « À quel prix en fait ? Combien d'heures par semaine ? Quelle charge mentale ? Quel stress... Je n'ose même pas prendre ma tension dans la journée. Je tourne à 15 cafés par jour... », décrit Clémence Richard.

La médecin de 34 ans ne veut surtout pas revivre l'expérience qu'elle a vécue lorsqu'elle faisait des remplacements. C'était juste après ses 10 ans d'études. Elle se souvient d'un patient qu'elle n'a pas bien traité. « Il restait sur la chaise en face du bureau, je lui prenais la tension... Franchement, j'ai bâclé cette journée-là. Et un soir, en rentrant à la maison... » Elle s'interrompt, emportée par l'émotion. « J'ai encore du mal à en parler... », lâche-t-elle dans un sanglot. 

Un découragement dans la vocation

Les médecins généralistes, surmenés, regrettent le fait de devoir consacrer trop de temps aux tâches administratives. « Ce qui nous barbe vraiment, ce sont tous les certificats complètement inutiles, le certificat de nécessité d'une barre de douche, le certificat pour l'aptitude à la pétanque. On est sur une telle absurdité... Je n'en peux plus... », concède Clémence Richard.

Et la lassitude est telle que la docteure Clémence Richard, mère de deux enfants en bas âge, se pose beaucoup de questions sur son avenir professionnel.

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