Reportage France

Pénurie d’amoxicilline en France: quand les pharmacies participent à la production

Publié le :

Face à la pénurie d'amoxicilline, cet antibiotique le plus prescrit en France et très utilisé chez les enfants, une quarantaine de pharmacies ont l’autorisation depuis fin décembre de le produire elles-mêmes et de vendre cette production à d’autres officines.

Dans cette annexe d'une pharmacie du VIe arrondissement de Paris, des gélules sont mises en place pour recevoir de la poudre d'amoxicilline.
Dans cette annexe d'une pharmacie du VIe arrondissement de Paris, des gélules sont mises en place pour recevoir de la poudre d'amoxicilline. © Baptiste Coulon / RFI
Publicité

Dans un bâtiment annexe de la pharmacie Delpech, dans le VIe arrondissement de Paris, un laboratoire de 15 mètres carrés à peine. « Là, vous êtes dans la pièce de production d’amoxicilline. Et vous avez mes deux collègues qui me donnent un coup de main », précise Rachida El Hssaini, l’une des trois préparatrices en pharmacie.

Masque sur le visage, charlotte sur la tête et blouse blanche, les trois femmes réceptionnent les commandes des officines et préparent des gélules d’amoxicilline pédiatrique. L’antibiotique se présente sous la forme d’une poudre blanche dans un gros bac. Pour chaque préparation magistrale, il faut d’abord évaluer la quantité de poudre nécessaire : « Pour cette préparation, le logiciel me demande de peser 172 grammes, et il faut être précis ! »

Les gélules, d’abord vides, sont positionnées dans un gélulier, puis remplies de poudre d’amoxicilline. Les comprimés sont préparés par lots de 300. Un traitement pour un patient correspond à 15 gélules (3 gélules pendant 5 jours). Avec 300 gélules remplies d’un seul coup, ce sont donc 20 traitements pour 20 patients qui sont réalisés lors de chaque préparation. 

► À écouter aussi : Les pénuries de médicaments, la faute à l’industrie?

Objectif : 30 % de la production nationale d’amoxicilline

Le laboratoire est équipé pour produire en grande quantité. Les trois préparatrices ont chacune un rôle. Rachida El Hssaini pèse l’amoxicilline, sa collègue les remplit, une dernière les conditionne en les mettant en pots de 15 comprimés. Depuis le mois de décembre, ce petit laboratoire tourne à plein régime : « Tout ça, ce sont des commandes en attente », détaille Rachida El Hssaini en pointant du doigt un bac rempli de fiches. « Donc, on va les préparer au fur et à mesure. Hier, par exemple, j’ai fait 1 700 préparations. Mais quand on a des machines comme ça de 300 gélules, en 3 minutes, on a fait la préparation de A à Z. Ça va très vite. »

Fabien Bruno, le pharmacien titulaire, contrôle la production directement sur un écran de télévision. Il communique directement avec l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament. Chaque semaine, il envoie ses chiffres de production à l’agence, qui évalue le niveau de la pénurie : « Les 40 sous-traitants, tous ensemble la semaine dernière, on a produit 435 000 gélules d’amoxicilline, ce qui représente à peu près 30 000 traitements. L’objectif qu’on s’était fixé avec l’ANSM, au début de la crise, fin décembre, c’était de faire à peu près 30% de la production nationale d’amoxicilline pédiatrique, et là, globalement, on est sur ces tendances. »

Les pots peuvent accueillir jusqu'à 15 gélules d'amoxicilline.
Les pots peuvent accueillir jusqu'à 15 gélules d'amoxicilline. © Baptiste Coulon / RFI

Éviter les pénuries en augmentant les prix

La pharmacie Delpech est l’une des 42 pharmacies habilitées par l’ANSM à produire de l’amoxicilline pédiatrique. Une aide bienvenue, alors que l’antibiotique est toujours absent des étagères des officines. « C’est surtout une solution d’urgence », pointe Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. « Une solution à déployer autant que possible quand les pénuries guettent. » 

Mais le véritable problème, pour ce syndicaliste, c’est le prix de certains médicaments. Parfois, les prix sont dérisoires, et les pharmacies les achètent donc à moindre coût aux laboratoires. Mais cela n'incite pas les industriels à les produire, faute de rentabilité : « Les industriels privilégient la fabrication en Europe des médicaments à forte valeur ajoutée et ils délocalisent des médicaments de première intention dans des pays comme la Chine et l’Inde. Donc, on doit retrouver une autonomie sur ces médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et il faudra accepter une augmentation du prix de ces médicaments. »

Aujourd’hui, le flacon d’amoxicilline pédiatrique est vendu 76 centimes aux pharmaciens. Pour Philippe Besset, il faudrait le vendre « à 3 ou 4 euros » pour inciter les fabricants à poursuivre leur production.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes