Marchandises illégales: à Roissy, les douaniers français débordés cherchent la parade
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À l’aéroport Roissy-CDG, au nord de Paris, des kilos de végétaux, de viande, mais aussi des animaux protégés sont saisis par les douanes françaises chaque semaine. Face au risque sanitaire élevé et aux atteintes envers les espèces menacées, les douaniers tentent, tant bien que mal, de freiner un marché en constante progression.

En fouillant dans la valise, sous la grosse pile de vêtements, la douanière repère un sac plastique rempli d’une substance verte. « C’est quoi ça ? », lance-t-elle avec autorité. « Ce sont bien des feuilles broyées ? Du coup, c’est végétal. Les végétaux sont interdits si vous n’avez pas de certificats en règle. Est-ce que vous en avez un ? » Le voyageur, qui arrive du Mali, répond par la négative. « Donc, ça va être dessaisi », tranche la douanière.
Au total, 7 kilos de végétaux et 4 kilos de viande séchée sont interceptés par les douanes. Heureusement pour cet homme, pas d’amende ni aucune poursuite, mais un simple bordereau de dessaisissement à remplir et signer. Il repart libre, mais sans une bonne partie de son chargement.
« On est sûrs d’aller dans le mur ! »
Des contrôles comme celui-ci, les douanes françaises en réalisent des dizaines chaque jour au terminal 2 de l’aéroport Roissy–Charles-de-Gaulle, situé au nord de Paris. Toutes les semaines, entre 600 kilos et une tonne de végétaux, viande de brousse destinée à la consommation, animaux morts ou vivants sont saisis, et jusqu’à 35 tonnes par an.
Ce chiffre, déjà impressionnant, est sans doute sous-estimé. « Je pense que si on pouvait tout contrôler, on ferait 5 à 10 tonnes de plus », calcule Adrien Clopier, le chef adjoint de la brigade. Car même avec 40 douaniers au terminal 2 et près de 1 600 dans tout l’aéroport, il est impossible de tout saisir. « Les collègues ne vont pas forcément avoir le temps de faire tous les contrôles de manière aussi détaillée, car il y a tellement de flux tous les matins. L’important pour nous, c’est de saisir la marchandise et sanctionner en fonction du volume ou de la typologie de fraude. Quoi qu’il arrive, ça va être contenu et maintenu sur le territoire : on constate, on saisit, on détruit », déroule Adrien Clopier.
Ce marché illégal de végétaux et d’espèces protégées comporte des risques sanitaires pour la faune, la flore comme pour l’Homme. Emmanuel Bizeray, chef des douanes de Roissy, pourtant tenu au devoir de réserve, n’y va pas par quatre chemins : « Le risque n’est même pas calculé, on est débordés ! On est sûrs d’aller dans le mur ! On a un risque clair de se retrouver, à un moment ou un autre, avec des malades de maladies graves, de fièvres hémorragiques, qu’ils auront contracté sur le territoire français parce qu’ils auront consommé de la viande ou auront été en contact avec de la viande qui vient de ces pays. Il va falloir quand même, à un moment donné, qu’il y ait des réponses ! »
Donner plus de moyens aux douaniers, mais pas uniquement
Les réponses, justement, Maud Lelièvre, présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), pousse pour qu’elles soient prises en compte par les décideurs. Il faut, dit-elle, donner plus de moyens aux douaniers, des hommes et des chiens renifleurs, mais aussi mieux informer les voyageurs sur ce qu’ils peuvent ramener dans leurs valises, et saisir les marchandises illégales dès l’aéroport de départ.
Elle en appelle aussi aux compagnies aériennes : « Il faut diminuer le nombre de bagages transportables par personne. Aujourd’hui, les gens peuvent avoir deux fois 23 kilos de bagages par personne, c’est beaucoup trop. Une valise sur deux comprend des denrées alimentaires et des animaux vivants. Faut arriver à détruire la chaîne étape par étape. » Parmi ces compagnies, il y a Air France, qui autorise deux bagages en soute de 23 kilos chacun pour les passagers à destination de l’Afrique.
La secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, a annoncé, le mercredi 15 février, la création d’un groupe de travail pour trouver des « mesures concrètes et rapides ». Cette concertation doit être lancée rapidement. Mais en aparté, le chef des douanes de Roissy, Emmanuel Bizeray, se lamente : « Nous n’avons rien appris de la crise du coronavirus... »
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