Lecteurs sensibles: le nouveau métier qui sensibilise les auteurs aux usages LGBTQIA+
Publié le :
RFI vous propose en cette fin de semaine de découvrir de nouveaux métiers, que ce soit en raison de l'évolution de la technologie ou de la société. Celui d'aujourd'hui est le lecteur sensible (selon la traduction littérale de l'anglais sensitivity reader), ou encore le démineur littéraire, selon une version plus poétique. Son rôle est d'éviter les termes qui risquent de blesser ou de choquer.

Dans un parc près de son lieu de travail, Gab s'accorde une petite pause. Ce « lecteur sensible » relit des scénarios où figurent des personnages transgenres. Objectif : s'assurer que les réalisateurs en parlent de façon bienveillante, sans clichés. Gab apporte son regard de personne trans, mais aussi d'expert : « Je suis là comme un moteur de recherche, ou Wikipédia. On va me poser des questions, je vais pouvoir y répondre, je vais pouvoir apporter d'autres choses. Je me souviens d'un retour que j’avais fait d'un personnage trans. Dès qu'il parlait de lui-même et de sa transition, il le faisait d'une manière négative, alors que les intentions scénaristiques voulaient que le personnage soit très heureux... Donc, voilà : rééquilibrer par des mentions positives, d'où l'importance d'un regard extérieur. »
Informer l'auteur…
Avant de travailler sur le film Un homme heureux avec Catherine Frot, c'est avec une série que Gab s'est lancé. Un jour, il voit une annonce pour jouer un personnage transgenre. Et il postule... Pas comme acteur, mais bien comme relecteur. « Ce qui m'a donné envie de le faire, c'est de voir tout ce qu'il n'y avait pas. Voir l'absence de tous ces personnages trans à la télévision ou dans le cinéma. De les voir maltraités, à la fois dans l'histoire, et aussi par les auteurs et autrices, ça me paraissait clair que les personnes qui écrivent soient bien informées. »
À lire aussiLGBTQIA+: l'avis des jeunes Africains
Bien informer les scénaristes, mais sans leur forcer la main. Gab l'assure, malgré les conseils et les commentaires, le dernier mot revient toujours à l'auteur : « Je préfère dire le mot tout de suite, ce n'est pas du tout de la censure parce que je suis là pour apporter des informations. Le choix qui est fait, c'est celui de l'auteur. S'il fait un choix qui me convient, tant mieux. Si c'est un choix qui ne me convient pas, ça reste son choix et parfois, c'est tout à fait entendable, selon les limites et les contraintes de la production. »
... sans le censurer
Un regard extérieur qui intéresse aussi le monde du livre. Comme dans la maison d'édition Scrineo, à Paris. Depuis 2019, ils font appel à des lecteurs « sensibles ». Des gens qui relisent les manuscrits pour éviter toute maladresse. Floria Guihéneuf, directrice éditoriale : « Comme quand on fait un roman historique ou un roman scientifique, on fait appel à des personnes spécialisées. Ici, c'est le même principe, mais avec des sujets de société. »
Selon elle, certains auteurs demandent des lecteurs sensibles. Une relation fluide, pour enrichir le récit : « Alors typiquement, je peux donner l'exemple de L'éveil des sorcières de Cordélia, où on a un personnage sourd. Le lecteur sensible nous a dit de faire attention, car nous n’utilisions pas le bon terme pour l'appareil auditif, donc là, c'est juste un vocabulaire à changer. C'est l'auteur ou l'autrice qui décidera derrière de comment il intégrera cette modification dans son œuvre. »
Si aux États-Unis, le recours aux lecteurs sensibles est très courant, la pratique peine à se démocratiser en France. Pour l'instant, seules les maisons d'édition indépendantes les utilisent régulièrement.
À lire aussiAux Açores, un centre vient en aide aux LGBTQI+ pour les sortir de leur isolement
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne