Face à la montée des eaux, l’adaptation d’un camping en Normandie
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C’est une conséquence directe du changement climatique : la montée du niveau des mers qui accélère l’érosion et provoque le recul du trait de côte. En France, une région est concernée par ce phénomène : la Normandie, dans le nord-ouest du pays. Une filière est impactée, celle des campings le long du littoral. À Quiberville-sur-Mer, le maire a choisi de s’adapter. Il va déplacer le camping de la commune, du bord de mer vers l’intérieur des terres, pour éviter les submersions marines et les inondations. Un projet unique en France, car c’est la première fois qu’une activité économique est relocalisée face à la montée des eaux. Le signe, aussi, d’une prise de conscience.

(Rediffusion du 10 juillet 2023)
Elles témoignent de l’avancée inexorable de la mer : des fissures, colmatées par du ciment, apparaissent, régulièrement sur la digue de Quiberville-sur-Mer. « On a l’exemple ici même d’un mur qui commence à se tasser, décrit Jean-François Bloc, le maire de la commune, en montrant du doigt une faille de cinq centimètres. Le risque, c’est que ça casse et qu’il y ait une brèche dans cette digue. »
La mer se situe à 50 mètres du camping municipal et Jean-François Bloc a longtemps pensé pouvoir la contenir : « Ma doctrine, pendant mes premiers mandats, ça a été de dire : on va pouvoir résister. En créant des épis, ce que l’on a fait, et en se disant que de toute façon, cela va protéger la plage. Et c’est vrai que ça a eu cet effet. » Mais depuis 35 ans qu’il est maire, il le constate, les tempêtes deviennent plus fréquentes et la mer grignote la côte. « Tous ces facteurs m’ont permis de prendre conscience. Et donc la troisième décennie de mon mandat, c’est de dire : on anticipe. »

Un nouveau camping en travaux
On anticipe, et on s’adapte : le camping municipal, ouvert dans les années 1960, et situé en zone submersible, va donc fermer à la fin de l’été. Il est déplacé à 700 mètres du rivage et en hauteur. Les travaux pour faire sortir de terre ce nouveau camping sont en cours. Coût total : 8 millions d’euros, financés aux deux tiers par l’Union européenne, et le reste par la commune, qui a dû s’endetter.
À Quiberville-sur-Mer, tout le monde a encore en tête la tempête dévastatrice de l’année 1999. Cette année-là, la mer surpasse la digue, la Saâne, la rivière locale, déborde. Le camping est inondé et des dizaines de caravanes se retrouvent à flotter. L’eau ne parvient pas à s’évacuer. Plus question de revivre la même scène à l’avenir. Alors, l’autre projet de Jean-François Bloc est de faire entrer la mer dans les terres, sur une dizaine de mètres de largeur, pour la connecter avec la Saâne : « La mer rentrera régulièrement dans la vallée. La digue va rester, on va passer sous la digue. Aux petites marées, elle rentrera peu, aux moyennes marées, elle rentrera sur 300 ou 400 mètres et aux grandes marées, elle rentrera régulièrement. »
L’intérêt est de créer un petit estuaire qui limitera le risque d’inondation, facilitera l’évacuation des eaux en cas d’inondation, permettra de soulager la côte, tout en préservant l’activité économique du village.

« Il faut que l’on change nos habitudes »
Jean-Luc et Chantal vivent les dernières heures du camping municipal. Voilà treize ans qu’ils louent ici un emplacement pour leur petite caravane toute équipée. Partir est un crève-cœur. « Oui, ça m’ennuie, parce que j’avais mes habitudes. On montait les marches, on était à l’eau. Et ce sont des souvenirs qui s’en vont… », se lamente Jean-Luc.
Leur caravane ne sera sans doute pas acceptée dans le nouveau camping qui privilégie le mobile-home. « Quand on a pris la décision d’acheter une caravane et de venir pour nous, c'était du long terme. C’est une page qui se ferme. Il faut que l’on change nos habitudes », appuie Chantal.

Face à la montée des eaux, ils le savent, le camping en bord de mer n’est pas l’avenir. C’est donc leur manière de partir en vacances, qu’il va falloir repenser. « L’été prochain, ce qui va changer, c’est qu’on va vendre la caravane, premièrement. On arrêtera le camping à l’année et on partira dans un gîte par exemple, ça se finira comme ça. »
En France, 400 campings sont directement menacés par le recul du trait de côte et 20 % des littoraux sont en reculs. En cas de réchauffement des températures supérieur à 2 degrés, l’eau pourrait monter d’un mètre d’ici à 2100. Toutes les régions côtières du pays pourraient être impactées.
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