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Législatives en France: les minorités LGBT+ à Strasbourg s'inquiètent d'une victoire du RN

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Cette année, les marches des visibilités organisées à quelques jours des élections législatives en France ont été très politisées. Les participants ont brandi des pancartes et scandé des slogans contre le Rassemblement national. Un message relayé par plusieurs appels émanant de la communauté LGBT+ à faire barrage à l’extrême droite, en votant pour l’alliance de gauche, le Nouveau Front populaire. Dans un contexte de regain de haine et de violence à l’égard des minorités. Reportage auprès de la communauté LGBT+ de Strasbourg.

Des manifestants participent au défilé de la Gay Pride à Strasbourg, dans l'est de la France, le 15 juin 2024, avec la peur d'une victoire de l'extrême droite aux législatives.
Des manifestants participent au défilé de la Gay Pride à Strasbourg, dans l'est de la France, le 15 juin 2024, avec la peur d'une victoire de l'extrême droite aux législatives. © Frédérick Florin / AFP
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De notre correspondante à Strasbourg, 

Dans les loges du Petit tigre, un bar du centre-ville de Strasbourg, une dizaine d’artistes drag se préparent pour leur show. Assise devant un miroir, Mizkeen termine son maquillage. Ce drag queer strasbourgeois craint que ce ne soit son dernier spectacle si le parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) sort gagnant des législatives : « Peut-être que demain, on ne pourra plus faire de shows comme celui-là parce qu’on aura peur pour nos vies, peur de nous faire tabasser en sortant, peur d’avoir des descentes de groupuscules fascistes dangereux et qu’on ne pourra pas se protéger nous, ni notre public. »

Mizkeen fait partie de House of Diamonds, l’un des collectifs drag strasbourgeois à l’origine de l’appel à faire barrage à l’extrême droite. Signé par près de 600 collectifs et artistes drag à travers la France, ce texte dénonce une banalisation de la violence à l’égard de toutes les personnes minorisées et l’impute au parti de Marine le Pen.

« Chaque pourcentage que le RN gagne sont des agressions supplémentaires : homophobes, transphobes, mais aussi racistes, xénophobes, misogynes… dénonce Mizkeen. J’ai des amis qui, depuis les européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, se font de plus en plus insulter dans la rue. Qui disent qu’aujourd’hui c’est quasi quotidien. Donc clairement, on a peur. »

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Une augmentation des agressions anti-LGBT+

Dans le public ce soir-là, plusieurs membres de la communauté LGBT partagent cette inquiétude, comme Léon (19 ans), jeune homme gay en visite depuis Paris : « La dernière chose que j’ai entendue qui moi personnellement m’a fait particulièrement peur, c'est l’agression de trois personnes du Gud, syndicat étudiant d’extrême droite, envers une personne LGBT. Et ils ont dit ouvertement que dans trois semaines, ils pourraient tabasser des gays ouvertement. »

Même sentiment chez Cécile (21 ans), une étudiante libanaise qui a fui son pays, où elle était persécutée en tant que lesbienne. « Je suis venue pour trouver de la sécurité, mais en France, je ne suis pas en sécurité. Pas du tout, assure-t-elle. Je reçois beaucoup de harcèlement physique et moral. J’ai toujours peur de m’afficher devant les gens et la politique joue un grand rôle dans ça. »

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En 2023, SOS Homophobie a en effet constaté une nette hausse (+30 %) des agressions physiques anti-LGBT. Et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a relevé un recul de la tolérance à l’égard de toutes les minorités entre 2022 et 2023.

Les pays passés à l'extrême droite comme mauvais présage

Pour Flora Giros, présidente de la Station – une association dédiée à l’accueil des personnes LGBT+ à Strasbourg - Emmanuel Macron est en partie responsable de cette situation : « On a vraiment été très choqués par les propos de Macron qui qualifiait d’"ubuesque" cette proposition du Nouveau Front populaire visant à changer le genre sur les papiers d’identité. La façon dont ça a été dit par le président encourage une panique morale pour essayer de gagner les voix d’extrême droite. Il nous utilise et ça pour nous, ça a été extrêmement violent. »

Depuis les européennes, l’association qui comme d’autres associations LGBT+ en France a reçu des menaces, multiplie les actions pour sensibiliser au danger que représente le RN pour toutes les minorités. « Le RN, là où il est présent dans les mairies, on voit les associations LGBT qui voient leurs subventions coupées. Et très clairement, le RN dit qu’il va combattre "l’idéologie LGBT+", dit qu’il va interdire la PMA aux couples lesbiens par exemple… Et ce qu’on voit bien, c'est que dans les autres pays où l’extrême droite est arrivée au pouvoir - la Pologne, la Russie évidemment - c’est un recul énorme des droits des personnes LGBT+ » déplore Flora Giros.

Et de mettre en garde : une fois que le mal est fait, revenir en arrière s’avère beaucoup plus compliqué. 

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