Reportage France

Législatives: en Seine-Maritime, un député sortant communiste englouti par la «colère brune»

Publié le :

La sixième circonscription de Seine-Maritime pourrait bien basculer à l'extrême droite ce dimanche 7 juillet, lors du second tour des législatives. Dans ce territoire au bord de la Manche, entre Le Havre et Calais, à 2 heures et demie de route de Paris, le député communiste sortant risque de perdre son siège au profit d'un candidat RN arrivé en tête avec 44% des voix au premier tour. 

Dans la sixième circonscription de Seine-Maritime, le député sortant, communiste, Sébastien Jumel, risque de perdre face au candidat RN, Patrice Martin, arrivé en tête avec 44% des voix au premier tour des législatives 2024. (Sébastien Jumel à l'Assemblée nationale, photo d'illustration)
Dans la sixième circonscription de Seine-Maritime, le député sortant, communiste, Sébastien Jumel, risque de perdre face au candidat RN, Patrice Martin, arrivé en tête avec 44% des voix au premier tour des législatives 2024. (Sébastien Jumel à l'Assemblée nationale, photo d'illustration) © Thomas Sanson / AFP
Publicité

Sur le marché de Criel-sur-Mer, tout le monde, ou presque, connaît Sébastien Jumel. Depuis sept ans, le très médiatique député communiste sortant arpente sa circonscription tous les week-ends. Et ça paye : au premier tour, il a obtenu plus de voix qu'en 2022 : « 4 500 voix de plus qu'aux législatives de 2022... Mais il ne vous a pas échappé qu'il y a un tsunami de "colère brune" », commente l'élu. Dimanche dernier, le RN est arrivé 10 points devant le candidat Nouveau Front populaire.

Sébastien Jumel a reçu le soutien du président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et même du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Le député communiste confie toutefois son inquiétude : « Ça va se jouer à quelques centaines de voix... » Il analyse : « Quand on est ici, tout au bout de la Seine-Maritime, des fois, on peut oublier les territoires de vie comme les nôtres. D'ailleurs, c'est un ressort de colère immense. » Claudine Pariche, l'adjointe au maire, sans étiquette, du village, partage cet avis : « On n'existe pas, il n'y a que Paris qui existe ! » Toutefois, elle confie se désespérer lorsque, au dépouillement, elle voit les bulletins Rassemblement national. 

À lire aussiLégislatives en France: la difficile question du désistement lors des triangulaires

Alors Sébastien Jumel, costume sombre et baskets aux pieds, répète inlassablement les mêmes mots aux électeurs qu'il croise. À une habitante qui lui demande comment il va, il répond : « Ça ira mieux dimanche. Il faut qu'on tienne bon, il faut qu'on mobilise. »

Un candidat RN qui fait campagne sur les mosquées... sans savoir s'il y en a sur sa circonscription

L'adversaire RN de Sébastien Jumel pour ce second tour s'appelle Patrice Martin, un agriculteur de 60 ans qui se présente pour la deuxième fois. Il fait campagne dans une commune dont le panneau d'entrée est toujours retourné, un stigmate de la crise qui a secoué le monde agricole en début d'année.

Avec une poignée de militants, Patrice Martin dépose des tracts dans les boîtes aux lettres. « La première chose, c'est le pouvoir d'achat. Ensuite, l'immigration. Ces gens-là, ils viennent en France, ce n'est pas compliqué [...] ils sont là pour profiter du système français. Pour la plupart, pas tous. Il y a beaucoup d'étrangers qui sont là pour profiter du système et, malheureusement, aussi pour nous nuire. On construit des mosquées... » À la question de savoir s'il y a une mosquée dans sa circonscription, le candidat reste évasif : « Il y a des mosquées dans toutes les villes de France... Sur Dieppe, il y a peut-être une mosquée. » Le candidat Rassemblement national le confesse, il ne sait pas s'il y a vraiment une mosquée dans la ville de Dieppe. 

À écouter aussiDépart de Français de confession musulmane, «stigmatisés à travers une islamophobie d'atmosphère»

Et dans cette commune, ce discours ne choque pas grand monde. Bien au contraire. Un passant confie que ce qui lui plaît chez le candidat RN, c'est sa « franchise » en ce qui concerne « ces étrangers qui n'ont pas l'intention de travailler, etc. » Il salue une réponse claire du candidat qui dit qu'il faut les « renvoyer ». L'homme dit se faire traiter de « boche » et de « nazi », ce qui le laisse « indifférent. »

Dans cette circonscription comme partout en France, la parole se libère et la tension monte : ces derniers jours, les deux camps s'accusent de violences verbales, voire physiques.

À écouter aussiRassemblement national, le nationalisme nouvelle génération à la française

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes