Procès Le Scouarnec: quatre décennies de violences pour les victimes de l’ex-chirurgien
Publié le :
Un procès « hors norme » au regard du nombre de victimes, le procès de Joël Le Scouarnec s’ouvre ce lundi 24 février 2025 en France devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes. L’ancien chirurgien est accusé de viols et d’agressions sexuelles sur 300 jeunes patients, en majorité mineurs, hospitalisés entre 1989 et 2014, sans doute la plus grande affaire pédocriminelle jugée en France. Ces enfants, parfois inconscients au moment des faits, ont enduré de lourds traumatismes. Une violence qui s’ajoute à celle d’une procédure judiciaire éprouvante, de la découverte des faits jusqu'à l’organisation du procès.

Des victimes sous anesthésie, d’autres parfaitement conscientes au moment des faits. Leur point commun : le refoulement, l’absence de souvenirs ou seulement quelques bribes, mais une vie d’adulte tourmentée. « Dépression nerveuse, anorexie, des troubles sexuels, la difficulté à procréer », explique Francesca Satta, avocate d’une dizaine de parties civiles : « Ce sont des réminiscences de choses qui reviennent à la surface et qui ont permis de révéler ce qu’elles avaient pu subir. »
Ce que certaines victimes ont subi, c’est une amnésie traumatique. Un trouble de la mémoire bien connu des psychologues et de Laura Morin, directrice de l’association l’Enfant Bleu, qui s’est constituée partie civile : « Un traumatisme vécu enfant va avoir un impact sur toute sa vie d’adulte, puisque même s'il n’y a pas forcément de souvenirs, en tout cas le corps, lui, s’en souvient. » L’association a reçu des victimes de Joël Le Scouarnec et les a accompagnés avec des psychologues.
« Violence institutionnelle »
Les psychologues, c’est, en revanche, ce qui a fait défaut au tout début de la procédure, quand ce sont bien souvent les gendarmes qui apprennent aux victimes que leurs prénoms figurent dans les carnets intimes du chirurgien. « La violence institutionnelle est une violence qui s’est ajoutée à ce qu’ils ont subi », estime Marie Grimaud, qui défend une quarantaine de parties civiles : « Pour ces victimes, cela a été une annonce extrêmement brutale. J’ai des clients qui me racontent se retrouver hagard, dans un état de sidération sur le trottoir, seul, ne sachant comment exposer ça à leurs proches et c'est le début d’un chemin et d’errance et d’abandon complet. »
Dans une tribune, il y a quelques jours, les victimes représentées par Marie Grimaud s’insurgent de la longueur de l’instruction, de l’attente interminable, de la forte médiatisation de l’affaire, « des clients qui ont retrouvé des journalistes dans leur jardin », d’une violence institutionnelle qui s’est poursuivie jusqu’à l’organisation du procès. Une organisation complexe pour le petit tribunal de Vannes, qui n’a eu d’autre choix que de louer une annexe, à 300 mètres de la salle d’audience, pour accueillir toutes les victimes. « C’est les rendre invisibles aux yeux de la cour, s'insurge Marie Grimaud, c’est les rendre invisibles aux yeux de monsieur Le Scouarnec et de ses avocats. Cette violence-là, elle est inacceptable. »
L’avocate en est persuadée, plusieurs de ses clients seraient désormais découragés à l’idée de témoigner à la barre : « J’ai trois, quatre appels par semaine, au cours desquels les clients me disent qu’ils n’y arriveront pas, qu’ils ne se sentent pas à leur place, qu’ils ne se sentent pas légitimes. C’est la première fois que j’ai autant à discuter avec mes clients sur le point de leur légitimité. » Qu’elles se sentent légitimes ou non, un procès s’ouvre malgré tout, pour que toutes les victimes referment le chapitre Le Scouarnec.
À lire aussiAffaire Le Scouarnec: un procès «hors-norme» pour la petite juridiction de Vannes
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne