Reportage France

L'enseignement supérieur se mobilise pour sa survie depuis la loi de finances

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En France, plusieurs centaines de personnes, dont des enseignants et étudiants, ont manifesté mardi 11 mars 2025 à Paris contre les coupes budgétaires dans l'enseignement supérieur et la recherche, à l'appel d'une large intersyndicale. Au même moment se tenait une réunion du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, organe consultatif qui émet des avis sur les politiques universitaires.

Des étudiants et enseignants participent à une manifestation à l'appel d'une large coalition intersyndicale pour protester contre les mesures d'austérité dans l'enseignement supérieur et la recherche, sur la place de la Sorbonne à Paris le 11 mars 2025.
Des étudiants et enseignants participent à une manifestation à l'appel d'une large coalition intersyndicale pour protester contre les mesures d'austérité dans l'enseignement supérieur et la recherche, sur la place de la Sorbonne à Paris le 11 mars 2025. AFP - THOMAS SAMSON
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Le temps gris de ce 11 mars, sans la moindre éclaircie, est à l'image de ce qui se passe dans les universités françaises. Solweig est bibliothécaire universitaire. Les coupes budgétaires drastiques qui frappent l'enseignement supérieur et la recherche publique la concernent aussi : « Si on a moins de personnel, c'est plus compliqué d'ouvrir. On a, dans certains endroits, moins d'argent pour acheter des ressources pour les étudiants. C'est un gros souci. Et au niveau des formations, là, on commence à voir que certaines ferment sans raison. Il y avait une formation X ou Y dans telle université avec 100 places ; eh bien, il n'y en a plus que 50. Ou s'il y avait 50 places, il n'y en a plus du tout. »

Mains dans les poches, regard franc, Camille François est enseignant en sociologie à Paris VIII. Le budget de son laboratoire va être amputé de plus de la moitié. Pour lui, la situation est grave parce qu'elle menace l'avenir des générations futures :

« C'est important d'avoir une population qui est qualifiée, qui va à l'université, qui enseigne dans de bonnes conditions. On préempte l'avenir. La situation est grave. Et elle est aussi très injuste, parce qu'on sait qu'aujourd'hui, l'université publique, c'est celle qui accueille, dans une large majorité, les enfants d'origine populaire ou des petites classes moyennes qui ont de bons résultats au lycée et qui veulent prolonger leurs études supérieures. Et cette "casse" de l'université publique sert aussi à venir grossir le marché des formations privées, qui sont bien souvent de moins bonne qualité et obligent les étudiants à s'endetter pour les suivre. Cette casse matérielle est aussi symbolique en termes d'image, de réputation de l'université. »

« Défendre une connaissance gratuite et utile à la société »

Sur la pancarte de Victor, il est écrit au gros feutre les mots « Suppression des filières étudiants en colère ». Ce doctorant en histoire médiévale explique que ce sont les sciences humaines qui sont dévalorisées : « On ne peut pas s'empêcher de faire le lien entre ce discrédit porté à la recherche, notamment en sciences humaines et sociales, et le manque de moyens. J'ai une collègue qui disait que c'est une entreprise de destruction de l'enseignement supérieur public français. »

Camille François rappelle que la recherche publique comprend bien sûr les sciences fondamentales, mais aussi les sciences humaines et sociales. Pour lui, il ne faut pas séparer ces deux grandes familles : « On ne peut plus, aujourd'hui, travailler sur l'environnement des questions centrales cruciales, comme l'urgence climatique, sans intégrer dans les équipes de recherche des sciences sociales des sociologues, des anthropologues, des historiens et des historiennes, et aussi des psychologues. Parce que ce sont des phénomènes globaux qui touchent tous les domaines de la vie et de l'existence, et qui donc font appel à toutes les disciplines. Et donc, la plupart des sciences fonctionnent main dans la main et œuvrent pour essayer de défendre une connaissance gratuite et utile à la société, notamment face aux dangers qui la menacent comme l'urgence climatique. »

Pour réfléchir à la suite à donner à ce mouvement de contestation, des assemblées générales dans les universités auront lieu un peu partout en France le 13 mars.

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