Reportage international

Inde: la musique traditionnelle soufie rassemble toutes les confessions au mausolée de Nizamuddin

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La politique du parti nationaliste hindou tend à diviser de plus en plus les hindous et musulmans, et à effacer le riche héritage musulman de ce pays. Mais un lieu demeure le symbole du mélange des différentes religions et cultures qui se sont croisées dans le sous-continent : le mausolée musulman de Nizamuddin, dans le sud de New Delhi, rassemble tous les soirs les Indiens de toutes les confessions, pour écouter la musique traditionnelle soufie, appelée qawwalî. Découverte de l’un des derniers lieux du syncrétisme indien. 

Des chanteurs de qawwalî en Inde (photo d'illustration).
Des chanteurs de qawwalî en Inde (photo d'illustration). © WikimediaCommons/Flickr/Nagarjun Kandukuru/CC BY 2.0
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De notre correspondant à New Delhi,

Le soleil vient de se coucher, une cinquantaine de croyants sortent de la mosquée de Nizamuddin, dans le sud de New Delhi, et s'arrêtent dans la cour du mausolée de Nizamuddin Auliya. Des musiciens s'assoient à même le sol devant le monument, et entonnent leurs premières strophes. C'est le début du qawwalî. Les dévots ou amateurs de musique, comme le jeune Hisham, se placent à leurs côtés : « Le sentiment de paix que nous trouvons ici est unique. Avec mon ami, quand nous sommes stressés, nous venons écouter le qawwalî. » 

Ils sont une dizaine de musiciens en habits traditionnels. Ils jouent de l'harmonium, des percussions, et reprennent avec ferveur ces poèmes en ourdou ou en persan, composés pour beaucoup au Moyen-Âge. Des textes qui parlent avec une grande poésie de leur amour pour les saints et dieux soufis. À chaque fin de strophe, leurs bras s'élancent vers ce magnifique mausolée éclairé, comme s'ils parlaient à leur poète vénéré alors que le public, lui, dépose des billets devant les instruments.  

« Vous pouvez accepter la sagesse, quelle que soit son origine »

Le qawwali transmet ainsi les connaissances spirituelles des siècles passées, à travers des contes et des fables, or ces histoires sont à l’image du sous-continent indien : un mélange des cultures et des religions qui y vivent. Dhruv Sangari est musicien qawwal : « Il n’y a pas que les musulmans qui peuvent tomber amoureux du prophète Mahomet, que la paix soit sur lui - tout le monde peut apprécier sa bonté et sa générosité. De la même manière, il n’y a pas que les hindous qui tombent amoureux du dieu Ram, et il est célébré dans l’Indonésie musulmane, par exemple. Vous pouvez accepter la sagesse, quelle que soit son origine. » 

Ce mélange se ressent dans le public venu au mausolée de Nizamuddin, qui comprend également des hindous, des sikhs ou des chrétiens. Qui écoutent tous cette musique sacrée musulmane. « Je suis communiste et non religieux, mais cette musique m’envoûte, confie Ananda Krishnan, un hindou originaire du Kerala. Je viens ici avec mon ami, qui est musulman. Et nous sommes tous les deux touchés, car cette musique parle à tout le monde. Ce mélange, c’est la beauté de l’Inde. » 

Cette beauté disparaît, malheureusement, sous les coups de la politique du gouvernement nationaliste hindou, qui divise hindous et musulmans. Et présente ces derniers comme un danger pour l’avenir de l’Inde. 

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