En Argentine, la ruée vers le crédit face à l'inflation

Alors que l’inflation s’emballe en Argentine et atteint les 64% sur un an, le recours au crédit est en forte augmentation ces derniers mois. Pour essayer de devancer la hausse des prix, les Argentins anticipent leurs achats et étalent leurs paiements sur plusieurs mois, que ce soit pour payer une voiture, une paire de basket ou faire leurs courses au supermarché.

En Argentine, le recours à l'achat en plusieurs fois se répand de plus en plus face à l'inflation qui touche le pays. © Théo Conscience / RFI

De notre correspondant à Buenos Aires, 

La peluche rouge pour Lucía, la bleue pour Lila. Un jeu de société pour toutes les deux. Total : 5 125 pesos, soit environ 15 euros, que leur grand-mère Betina paye par carte bancaire en trois versements sans intérêt. « Dans la mesure du possible, j’achète tout à crédit. Que ce soit de l’électroménager ou de la nourriture, je paye en plusieurs versements dès que je peux », avoue-t-elle.

C'est vrai qu'en Argentine, c’est souvent avantageux d’étaler les paiements, explique sa fille Gisela : « Quand on achète en fractionné, on paye au fur et à mesure que les mois passent. Et comme l’inflation augmente tout le temps, les derniers versements sont beaucoup moins importants ».

Un programme gouvernemental pour inciter à consommer

Depuis le début de l’année en Argentine, l’inflation mensuelle dépasse régulièrement les 5%. Cela signifie que la valeur réelle du prochain versement de Betina sera inférieure de 5% à celle du premier. Le magasin de jouets lui aussi y trouve son compte en gonflant les volumes de vente, explique la gérante Paula Villalba : « Sur dix ventes, huit sont en fractionné. Les gens dépensent plus s’ils peuvent payer en plusieurs fois, donc c’est un bénéfice pour nous aussi. »

Une incitation à la consommation qui fait même l’objet d’une politique gouvernementale. Le programme « Ahora 12 » permet d’étaler sur 6, 12 ou 24 mois les paiements de biens de consommation durables produits en Argentine. Mais dans ces cas-là, payer cash offre généralement des bénéfices. « Quand tu entres dans un commerce, on te propose de payer comptant avec une réduction de 20% par exemple, ou de payer en 12 versements. Et c’est généralement là que les gens hésitent et ne savent pas quoi choisir », remarque Ariel Diaz.

Une inflation qui s'aggrave

Après des études d’économie, Ariel Diaz a mis au point Infleta, une calculatrice en ligne qui compare pour un produit donné le prix comptant en plusieurs versements en tenant compte des prévisions d’inflation pour savoir lequel est le plus avantageux.

« Nous les Argentins, nous savons que notre monnaie se dévalue de mois en mois. Nos salaires sont actualisés en fonction de l’inflation, indique-t-il. Moi, par exemple, c’est tous les trois mois. Cela veut dire que régler une échéance de 10 000 pesos aujourd’hui est plus difficile que de la régler dans deux ans. Autrement dit, dans deux ans, avec ces 10 000 pesos, je ne pourrai pas acheter autant de choses qu’aujourd’hui. »

Si le paiement en plusieurs fois est une pratique largement répandue au sein de la classe moyenne, de nombreuses personnes en restent exclues. En Argentine, un tiers de la population active appartient au secteur informel, et près d’une personne sur quatre vit sous le seuil de pauvreté.