Reportage international

L’Afghanistan en proie à une sécheresse sans précédent

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L'une des pires sécheresses de ces dernières années a entraîné l'échec des cultures de blé pluvial, la chute des prix du bétail et des pénuries d'eau potable en Afghanistan. 19 millions de personnes - près de la moitié de la population du pays - sont en situation d'insécurité alimentaire grave et ont besoin d'une aide d'urgence. Reportage dans l’ouest du pays, dans la province de Badghis l’un des endroits les plus touchés par la sécheresse.

Un camp de déplacés climatiques en Afghanistan, dans la province de Badghis.
Un camp de déplacés climatiques en Afghanistan, dans la province de Badghis. © Clea Broadhurst / RFI
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De notre envoyée spéciale dans la province de Badghis, en Afghanistan 

Dans un champ de pastèques et de sésame, à Abassi, un village dans la province de Badghis, le sol est aride, les plantes sont jaunies et séchées par le soleil. « Cela fait trois ans qu’il n’a pas plu ici », nous dit Mohammad Rahim, un fermier afghan qui cultivait son champ familial jusqu’à ce qu’il ne produise plus rien. « Chaque année, nous tentons de cultiver, mais il n’y a aucun revenu. Ces graines de sésame sont desséchées, car il n'y a pas eu de pluie. Plus rien ne pousse ici », rajoute-t-il.

Les responsables de la province de Badghis ont déclaré que plus de 90% des agriculteurs de la province ont été gravement touchés par la sécheresse. Ils sont particulièrement vulnérables, car la région ne dispose pas d'un système d'irrigation, ce qui les rend dépendants des conditions météorologiques. Mais selon Mohammad, « c’est entre les mains de Dieu, pas entre celles des hommes », dit-il, en regardant ses plantations asséchées d’un air désolé. « Tous les jours, il fait de plus en plus chaud. C’est insupportable », s'exclame-t-il.

Sans récolte pour subvenir aux besoins de sa famille, Mohammad n’a aucun autre revenu. Il ne sait plus quelle solution envisager.

« Il n’y a pas de travail pour nous ici, on survit au jour le jour. On emprunte de l’argent aux gens riches. Je vais peut-être devoir vendre ma terre, mon enfant ou ma sœur, car on ne mange pas à notre faim, seulement du pain ».

Selon l’agence de gestion du risque de sécheresse en Afghanistan, d'ici à 2030, les sécheresses annuelles dans de nombreuses régions du pays deviendront probablement la norme. 

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Déplacés climatiques 

À quelques kilomètres du champ de Mohammad se trouve le camp de déplacés internes de Qala-e-Naw. 478 familles, qui ont dû quitter leurs terres, car elles étaient devenues inhabitables, vivent dans des trous qu’elles ont elles-mêmes creusés dans le sol, jonchés de bâches. 

Rabia, une mère de famille, vit dans ce camp depuis quatre ans. « L’un de mes enfants a bu de l’eau d’une rivière près de chez nous, elle était salée. Il est tombé malade, il avait faim et soif, il n’arrêtait pas de vomir ensuite », nous raconte-t-elle.

L'accès à l'eau potable a toujours été un grand défi pour les habitants de Badghis. Dans certains districts, l'eau des puits est salée, impropre à la consommation. La fille de Mubarak, elle, n’y a pas survécu. « Ça fait cinq ans que nous sommes ici, nous vivons dans ce trou sous cette tente » nous montre-t-elle en regardant le sol jonché de tapis, la voix lasse. « Avant ça allait, car nous recevions de l’aide humanitaire, mais depuis que les talibans ont pris le pouvoir, il n’y a plus d’aide pour nous. Nous n'avons reçu que deux paquets de farine depuis. Rien d’autre ».

Les experts prévoient que le réchauffement climatique rendra les sécheresses encore plus fréquentes et plus importantes, forçant les habitants des régions les plus touchées à chercher refuge ailleurs. Ils tirent la sonnette d'alarme en Afghanistan depuis des années.

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L’Afghanistan en proie à une sécheresse sans précédent

Sanctions internationales 

Bien que la sécheresse soit un problème depuis des années, elle devient chaque année plus menaçante, touchant environ 80 à 85% de la population locale. Si l’aide humanitaire internationale d’urgence parvient dans le pays, les projets de développement se sont, eux, complètement arrêtés. 

« C’est la faute des Américains, car ils ne reconnaissent toujours pas le gouvernement de l’Émirat islamique d’Afghanistan. L’argent des banques internationales est bloqué à cause de ça », explique Karim Aminulhak, un fermier taliban. Il rejette la faute sur les gouvernements occidentaux qui bloquent l’argent nécessaire au développement dans le pays. « Et c’est pour ça que notre situation est aussi mauvaise. Si notre gouvernement est reconnu, l’argent reviendra et pourra nous aider », complète-t-il.

L’aide internationale qui maintenait les politiques publiques primordiales est interrompue, ayant mis fin aux projets de développement dans le pays et les réserves étrangères de la Banque centrale sont gelées. L’économie afghane, qui dépendait à 70% de l’aide internationale, a connu une chute spectaculaire depuis l’année dernière. 

La grande majorité des agences humanitaires opérant en Afghanistan ont utilisé des systèmes de transfert d'argent informels et largement non réglementés pour transférer des fonds en Afghanistan, payer les salaires et obtenir de l'argent liquide. Ces systèmes ne peuvent en aucun cas être adaptés à l'ampleur des opérations humanitaires de développement que les groupes voudraient mettre en place. 

Selon les experts, il est nécessaire de construire - et de reconstruire - l'infrastructure nationale afghane, créer des mécanismes efficaces d’irrigation. Récolter l'eau de pluie pendant la saison humide et la diriger vers les nappes phréatiques contribuerait grandement à atténuer les pénuries d'eau lors des futures sécheresses.

À écouter aussi : Afghanistan : état des lieux un an après la prise de pouvoir des talibans

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