Reportage international

Espagne: hausse du nombre de suicides chez les jeunes

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La question du suicide des jeunes est une question chaque fois plus brulante en Espagne, et le ministère de la Santé prend le sujet très au sérieux. En 2020, dernière année avec statistiques, c’est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans, derrière les tumeurs : 3 941 morts. En outre, les tentatives de suicide entre 2006 et 2020 se sont multipliées par trois chez les 10-24 ans. Préoccupées, les autorités sanitaires ont lancé le programme « Survive » pour tenter d’y remédier et bien identifier le problème. Huit hôpitaux publics espagnols participent à ce projet. Dont l’hôpital La Paz, dans le nord de Madrid.

Façade de l'hôpital universitaire de La Paz, le 24 juillet 2022 à Madrid, Espagne.
Façade de l'hôpital universitaire de La Paz, le 24 juillet 2022 à Madrid, Espagne. © Jesus Hellin/Europa Press via Getty Images
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Avec notre correspondant à Madrid

Au total, dans les huit hôpitaux, 300 adolescents ont été traités. Ici, dans l’immense hôpital La Paz, une cinquantaine l’ont été ou le sont, ils ont entre 13 et 18 ans. Des séances ont été organisées pour les écouter, saisir leurs difficultés, tenter de comprendre leur désarroi et ce qui les a poussés à tenter de mettre fin à leur vie. Le tout dans le but d’enrayer cette tendance dramatique. En général, ces adolescents sont d’abord passés par les urgences, ils sont ensuite déviés vers le département psychiatrique, dirigé par Marife Bravo. Cette dernière observe que les attitudes suicidaires et les actions suicidaires ont considérablement augmenté avec le coronavirus : « Les routines habituelles des adolescents ont été rompues, ils n’ont pu aller au collège, n’ont pu établir de contact avec leurs compagnons de façon présentielle. »

On trouve des exemples un peu partout, il est évidemment difficile de recueillir des témoignages. Cette mère de famille a toutefois accepté, sous couvert d’anonymat : « Ma fille, il ne lui reste plus un centimètre de son corps qu’elle n’a pas essayé de scarifier. Dès qu’elle en a l’occasion, elle boit un verre de lessive ou avale n’importe quoi. À mon sens, il manque des ressources et des professionnels. »

Le manque de moyens, les professionnels de l’hôpital La Paz en sont bien conscients. Ils voient bien aussi que la pandémie a certes accéléré le phénomène, mais qu’il était bel et bien en hausse les années antérieures.

La médecin Ortiz Aranzazu coordonne dans l’hôpital toutes les actions en faveur des adolescents et elle-même dirige des séances avec eux dans le cadre du programme Survive : « On peut vérifier à, quel point, au cours de ces dernières décennies, beaucoup d’entre nous passons du temps seuls. Sans beaucoup de contact avec notre réseau de soutiens, ces soutiens qui nous aident pour accumuler des forces face aux adversités. »

La solitude, l’isolement. Et ce en dépit de l’inflation des réseaux sociaux, qui ont leur côté positif et aussi terrible, avec des phénomènes comme le harcèlement scolaire. Autre facteur souligné par Ortiz Aranzazu, comme dans certains pays asiatiques, une exigence croissante de la société : « On voit un niveau d’exigence croissant. Chaque fois, on demande aux jeunes de savoir davantage, d’être bons dans plein de domaines. Cette exigence est si élevée que les adolescents peuvent en arriver à sentir qu’ils ne valent rien, et s'ils ne valent rien, ils peuvent envisager le suicide. »

Les médecins qui suivent les adolescents fragiles dans le cadre du programme Survive disent qu’il faudra attendre le début de l’année prochaine pour en tirer toutes les conclusions.

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