Reportage international

Japon: les malades du «Covid long» mis sous pression dans une société qui valorise le travail

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Le Japon fait face à sa septième vague de Covid-19 mettant sur le « carreau » des milliers de personnes atteintes de Covid long. Dans une société japonaise qui sacralise le travail et exige de chacun le dépassement de soi en toutes circonstances, bon nombre de ces malades sont déconsidérés et discriminés, sommés de guérir au plus vite. 

Une vue du quartier commerçant d'Asakusa le 10 juin 2022, à Tokyo au Japon (image d'illustration).
Une vue du quartier commerçant d'Asakusa le 10 juin 2022, à Tokyo au Japon (image d'illustration). AP - Eugene Hoshiko
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De notre correspondant à Tokyo,

Ces jeunes mères de famille tokyoïtes souffrent du Covid long. Les mois ont beau passer, leur état de santé ne s’améliore pas. Elles en souffrent tant physiquement que moralement.

« Je n’arrive plus à me concentrer, y compris pour les conversations anodines de la vie quotidienne. J’entends ce que l’on me dit, mais en termes de compréhension, cela reste flou. Comme si une connexion ne se faisait plus dans mon cerveau. D’après le médecin, on appelle cela le “brain fog” : le syndrome du brouillard cérébral, se désole la mère de famille. Je culpabilise énormément de ne plus être opérationnelle au boulot. »

« Après deux mois d’arrêt-maladie, mon employeur a exigé que je reprenne le travail. Mais j’étais encore trop épuisée pour un emploi à temps plein. J’ai donc demandé un mi-temps thérapeutique. En vain : on m’a licenciée, raconte cette autre employée. À présent, je touche une allocation d’un montant si dérisoire que, pour m’en sortir, je dois puiser dans mes maigres économies. J’ai peur de finir à la rue si ce Covid long s’éternise », s’inquiète-t-elle.

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« À la maison, vu mon état, je n’assure plus aussi bien qu’avant : pour la cuisine, les courses, les lessives, le repassage, le ménage, et tout cela. Mon mari et mes enfants me le font remarquer à longueur de journée. J’ai l’impression qu’on me considère comme une paresseuse et non comme une malade », déplore cette autre mère de famille.

Cliniques submergées et personnel épuisé

Au Japon, beaucoup de jeunes sont atteints de Covid long. Ce qui n’étonne pas les médecins, car dans ce pays, 60% des moins de vingt ans ont fait l’impasse sur la dose de rappel de vaccin. À l’image de cet adolescent qui, à présent, le regrette amèrement.

« Je dois dormir 17 à 18 heures par nuit. Sinon, je ne tiens pas debout pendant la journée. Du coup, je ne suis plus allé en classe depuis quatre mois. Et les cours en distanciel, ce n’est pas possible : l’école ne gère pas, techniquement. C’est ce qu’elle a dit à mes parents. Je suis en train d’accumuler un retard de dingue. Ce fichu Covid risque de me coûter mon année scolaire », se désole le jeune étudiant.

Les cliniques spécialisées dans le traitement du Covid long ne savent plus où donner de la tête. « Il y avait tellement de malades qui faisaient la queue sur le trottoir qu’on a dû élargir nos horaires. Désormais, on est ouverts de 8 heures à minuit non-stop, affirme un médecin. Je vois une centaine de patients par jour. N’ayant plus le temps de prendre une pause-déjeuner à midi, mon seul repas de la journée, c’est vers 2h du matin quand je rentre à la maison, mais la plupart du temps, je suis trop fatigué pour conduire, donc je dors au bureau dans un sac de couchage. Ce n’est pas une vie. », déplore-t-il.

Et l’hiver risque d’être rude pour les patients et les soignants. Dans l’archipel, la huitième vague de l’épidémie débute.

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