Covid-19 en Chine: l’industrie pharmaceutique sur le pied de guerre pour combler la pénurie de médicaments
Publié le :
Les compagnies pharmaceutiques sont mobilisées face à l’épidémie en Chine. Les autorités centrales et provinciales ont demandé aux usines de médicaments de garantir l’approvisionnement pour les vacances du Nouvel An lunaire.

Et avec Louise May, du bureau de Pékin
L’épaisse pâte blanche tourne derrière les vitres d’un malaxeur mécanique, avant de ressortir plus loin sous forme de comprimés. « Ici on fabrique des gélules et des cachets qui seront ensuite emballés sur nos lignes de production pour être expédiés au plus vite », explique un employé de Youcare-Yuekang en blouse blanche. Comme d’autres compagnies pharmaceutiques à Pékin, l’entreprise a dû mettre les bouchées doubles pour assurer l’approvisionnement en médicaments de la capitale et sa région et aujourd’hui, bien au-delà.
Personnel mobilisé 24h sur 24
L’urgence donne la cadence, car cela fait maintenant plus d’un mois que la Chine est submergée par la vague Omicron. Comme en 2020 pour les masques et les équipements médicaux, le gouvernement central a sonné la mobilisation générale. Il aura fallu quelques semaines seulement pour que l’appareil industriel réoriente sa production sur les médicaments contre le Covid. Depuis fin décembre, les médias d’État ont sorti les trompettes pour annoncer la bonne nouvelle. La production d’ibuprofène et de paracétamol a été multipliée par quatre le mois dernier, celle des kits de tests Covid a augmenté de plus de 80%.
« Comme vous pouvez le voir, notre personnel est mobilisé 24 h sur 24 jusqu’au Nouvel An lunaire, explique monsieur Zhang. Nous avons aussi demandé aux employés de ne pas prendre de vacances. Ceux qui l’acceptent verront leur salaire tripler, nous devons tout faire pour garantir l’approvisionnement », assure le directeur général de Yuekang.
Le Parti communiste chinois a l’habitude d’aligner les kilomètres de nouvelles routes et de lignes de TGV dans ses bilans. Cette fois, ce sont des centaines de millions de comprimés produits par jour qui sont brandis face à l’épidémie. Une manière de tenter d’effacer les jours de souffrance de celles et ceux qui ont pris la vague Covid sans pouvoir trouver d’antidouleur en pharmacie, même en cas de rage de dents, pendant les premières semaines de pénurie.
Une extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.

Soutien aux hôpitaux ruraux
Le 10 décembre dernier, trois jours après l’abandon de la politique de prévention et de contrôle de l’épidémie qui a précédé la flambée des contaminations, le gouvernement de Pékin a réuni treize compagnies pharmaceutiques pour soutenir la production. Mieux vaut tard que jamais. Les pharmacies manquaient alors de tout, aujourd’hui le pic de l’épidémie est passé à Pékin, comme dans la plupart des mégalopoles chinoises. Mais les urgences continuent de recevoir un grand nombre de patients âgés en état critique. Des responsables de la santé ont également affirmé cette semaine craindre de nouvelles contaminations dans les campagnes pendant les vacances de la « fête de printemps ». C'est vers ces hôpitaux ruraux notamment que se déploie l’effort du moment.
« Nous coordonnons le déploiement des fournitures médicales en fonction de la situation épidémique dans les régions, explique Zhou Jian, directeur adjoint du département de l’industrie des biens de consommation au sein du ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information. Notre priorité étant de fournir les hôpitaux, les maisons de retraite et les orphelinats ». Pour cela, il a fallu faire un état des lieux et réorienter certaines lignes de production.
« Nous avons cartographié de manière exhaustive la situation des fabricants du secteur et envoyé des commissaires dans les entreprises clés pour garantir la production, ajoute encore cet officiel. De l’emploi de la main d’œuvre et des matériaux à la logistique, nous avons fortement soutenu les compagnies pharmaceutiques pour qu’elles arrivent rapidement à leurs pleines capacités productives. »
Vidéoconférences pour rassurer les employés malades
Un peu plus d’un mois après le début de l’explosion des contaminations à Pékin et dans la province du Hebei, les ouvriers remis du virus sont revenus sur leurs postes de travail. « Nous n’avions jamais connu de cas de Covid dans l’entreprise, raconte Yu Weishi. Mais le 29 novembre dernier, l’un de nos employés, monsieur Liu Fuli qui travaille dans la logistique, a été testé positif », poursuit le président de Yuekang Pharmaceutical Industry. Fièvre, maux de gorge, courbatures : le malade va rapidement se rétablir, grâce aux médicaments produits par un groupe pharmaceutique dont le best-seller est une injection de Gingko Bilboa produit en partenariat avec une société française. Cette fois, ce sont les comprimés au paracétamol de la marque qui ont été utilisés, associés à un remède de médecine traditionnel maison.
Quand l’épidémie a éclaté dans l’entreprise, des téléconsultations en visio ont été organisées avec le personnel. « Nous avons commencé avec quelques dizaines de personnes et, au plus haut [des contaminations, NDLR] nous avions 200 personnes par jour qui assistaient à ces vidéoconférences », se souvient monsieur Yu. Il n’y a pas eu d’hospitalisation, la plupart des cadres et des travailleurs seraient revenus au travail dans les trois jours qui ont suivi l’infection :« Nous avons expliqué que nous avions les médicaments nécessaires pour se soigner, ce qui a permis de calmer les inquiétudes et de pouvoir reprendre rapidement la production afin de garantir l’approvisionnement ».
Traitements contre le Covid
Les ouvriers sont à leurs postes, la production tourne à plein régime, c’est le moment pour les autorités d’organiser une visite chez les fabricants de médicaments à Pékin. Les grands bus gris des voyages officiels ont fait la tournée des usines cette semaine dans la capitale. Signe que la page zéro-Covid est définitivement tournée, on retire les masques pour les photos officielles. Des serial tousseurs se bousculent aux conférences de presse et des poignées de mains sont engagées entre les plus souriants.
Quant aux journalistes, ils peuvent poser toutes les questions qu’ils veulent sans avoir à les soumettre à l’avance. Les intervenants esquivent les plus sensibles, notamment celle du retard à l’allumage de cette mobilisation qui arrive après que la plupart des Chinois ont déjà été infectés. Après les antipyrétiques et les antidouleurs le mois dernier, l’effort est fait désormais sur les traitements contre le Covid et notamment l’Azivudine, premier médicament oral made in China contre les symptômes sévères de la pneumonie virale.
Développé par Fosun Pharma et Henan Genuine Biotech, d’autres entreprises dont CR Double crane – Shuanghe Pharmaceutical Co. Ltd ont été appelées à contribuer à la production. Cet autre géant chinois du médicament dispose de 20 parcs industriels dans le pays, dont le plus grand en banlieue de Pékin. « Nous sommes une entreprise d’État et le gouvernement central nous a demandé de garantir la production de ce nouveau médicament », confie Guo Meili. La directrice de la production de ce campus de 15 hectares, qui compte 1200 employés, souligne que la compagnie vient d’acheter de nouveaux équipements étrangers. Elle table sur une production de 12 millions de comprimés par jour le mois prochain. « Depuis le 5 janvier dernier, nous avons mis à disposition nos lignes de production, explique-t-elle. On continue de produire d’autres médicaments, mais on se concentre surtout sur ce nouveau traitement. »
Antidiarrhéiques et oxymètres
Après le Paxlovid de Pfizer et l’Azivudine de Henan Genuine Biotech, le Molnupiravir de Merck a fait son entrée sur le marché chinois vendredi. La Chine continentale dispose donc désormais de trois antiviraux contre le Covid, mais toujours pas de vaccins ARNm. Plusieurs laboratoires chinois y travaillent. « Des essais cliniques sont en cours, mais on ne peut pas avancer de date de mise sur le marché », fait savoir le directeur de la recherche et développement de Yuekang.
Les rares Chinois qui n’ont pas encore été contaminés doivent aller jusqu’à Hong Kong s’ils veulent un vaccin étranger. Ce tourisme vaccinal n’est pas à la portée de toutes les bourses. Et pour obtenir une dose de rappel BioNTech, il faut passer par une réservation via l’application de Shanghai Fosun Pharmaceutical. En attendant, certains médicaments chinois contre la fièvre et la douleur sont de nouveau disponibles dans les pharmacies de la capitale. Ce qui est surtout demandé ces derniers temps, ce sont les antidiarrhéiques à cause du sous variant XBB.1.5 américain, lance une pharmacienne. Autre best-seller du moment : lesoxymètres de pouls via le doigt pour mesurer le taux de saturation en oxygène dans le sang.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne