Reportage international

Sur l’île de Gyodong, le mirage d'une Corée unie

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En Corée du Sud, le rêve de voir la péninsule unifiée avec le Nord semble disparaître peu à peu. Mais chez certaines personnes âgées, ayant vécu la division des Corées, cet espoir de nation unie ne s’est pas complètement envolé. C’est le cas de certains habitants de l’île de Gyodong. Sud-coréens nés au Sud et transfuges nord-coréens vivent ensemble à deux kilomètres seulement des rives de la Corée du Nord.

Jung-shim, femme de 75 ans se tient devant son potager à côté d'une clôture de barbelés de la zone démilitarisée (DMZ) séparant la Corée du Nord et la Corée du Sud, sur l'île sud-coréenne de Gyodong , à l'ouest de Séoul. (Image d’illustration prise en mai 2018)
Jung-shim, femme de 75 ans se tient devant son potager à côté d'une clôture de barbelés de la zone démilitarisée (DMZ) séparant la Corée du Nord et la Corée du Sud, sur l'île sud-coréenne de Gyodong , à l'ouest de Séoul. (Image d’illustration prise en mai 2018) AFP - ED JONES
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De notre correspondant à Séoul

En traversant le seul pont qui mène à l’île de Gyodong, à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Séoul, on peut apercevoir deux bouées rouges flotter dans la mer. Elles symbolisent la ligne de démarcation. Au cœur du village, dans les étroites allées d’un marché pittoresque, on trouve une petite échoppe dédiée à l’association des personnes âgées, mémoire vivante de l’île comme des Corées.

« En 1950, durant la guerre de Corée, je suis passé au Sud et je m’appelle Choi Bong-yeol. J’ai dû laisser mes parents au Nord, et quelques années après la guerre, on m’a transmis la nouvelle qu’ils étaient décédés. Nous étions quatre frères, un seul est resté au Nord, mais j’ai aussi appris qu’il était mort. Je suis l’unique membre de la fratrie encore en vie. »

Casquette de vétéran vissé sur la tête, ce Nord-Coréen de naissance reste ému quand il évoque sa terre d’origine : « Je n’ai plus de raison d’aller en Corée du Nord désormais. J’ai 93 ans, et même s’il y avait l’unification, je n’ai plus de famille nucléaire sur place. Il y a peut-être des cousins ou de la famille éloignée, mais je ne sais même pas à quoi ils ressemblent. Parfois, je pense au fait que ma ville natale n'est qu’à 5-6 kilomètres d’ici. J’ai l’impression parfois que je pourrais y aller comme ça, sur un coup de tête et aller voir. Mais j’aime ma vie ici, elle est paisible. J’ai élevé mes enfants ici, ils ont grandi ici, ils sont là. Je préfère ne plus penser à tout ça. »

« Si on pense à la nation coréenne, elle doit s’unifier »

Au fil des années, M. Choi est parvenu à s’intégrer au village qui ne compte plus que 3 000 habitants. Ils étaient 30 000 réfugiés nord-coréens à arriver sur l’île à la fin de la guerre. À l'époque, Bang Je-hee vivait déjà au village. « Dans ma maison, il n’y avait que ma mère et moi qui vivions dans une seule pièce et nous avons tout de même accueilli trois familles de réfugiés nord-coréens, raconte-t-il. Les habitants de l’île avaient envie d’aider, de sauver les personnes qui avaient tout simplement besoin de vivre. »

Une histoire de solidarité entre Coréens qu’il ne veut pas voir disparaître. « En ce moment, les relations sont tendues et le décalage entre Nord et Sud est énorme. Je pense que nous pourrons nous unifier seulement si nous formons une certaine homogénéité. Et dans ce cas, nous pourrons vivre ensemble. Mais je ne sais pas si les Sud-Coréens le veulent maintenant. Mais si on pense à la nation coréenne, elle doit s’unifier, même si c’est dur, un peu comme le modèle allemand, nous voulons désespérément aider la Corée du Nord et créer un nouveau système. Mais j’ignore ce qui va se passer ».

Ce désir d’unité s’efface avec le souvenir de la division. Soixante-dix ans après la fin de la guerre où des millions de personnes ont été séparés, seuls 40 000 Sud-Coréens sont encore sur les listes de ceux qui souhaitent rencontrer leur famille restée en Corée du Nord. Un sondage réalisé en avril dernier montrait que plus de 60% des jeunes entre 20 et 39 ans ne jugeaient pas l’unification des deux pays nécessaires.

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