Monsieur Chang, héros mal payé de la collecte de déchets à Pékin
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En Chine, une campagne d’incitation au tri sélectif des déchets aura désormais lieu chaque année pendant une semaine au mois de mai. La première campagne se termine ce dimanche 28 mai. Rencontre avec un recycleur qui ramasse des montagnes de cartons et de plastiques sur son triporteur.

De notre correspondant à Pékin, avec Louise May, du bureau de Pékin,
Huit heures du matin sur ce grand marché aux légumes du nord-est Pékin. Une silhouette svelte en veste kaki se faufile entre les étals, se baisse, ramasse les cartons et les empile sur son diable. L'un de ces forçats du ramassage, monsieur Chang, fait partie des milliers, voire des dizaines de milliers de celles et ceux qu’on appelle les « collecteurs de déchets ». Des migrants résidant à la périphérie d’une capitale qui produit plus de 26 000 tonnes d’ordure ménagère par jours.
« Moi, je m’appelle Chang, j’ai 68 ans cette année et je viens du Henan, se présente l'homme – d'un âge déjà avancé pour ce type d'activité. J’ai travaillé comme ouvrier du bâtiment pendant près de 30 ans, puis j’ai commencé à récolter les matières à recycler. Ça fait dix ans que je fais ça ! Je me lève à 6h. Je vais sur les marchés aux légumes et dans les supermarchés pour ramasser des cartons. Je fais une sieste l’après-midi. J’y retourne et je me couche vers 22h. »

100 kilos de carton
Quinze minutes de route à faire entre le marché et le centre de tri à 35 km/h. De grands foulards rouges flottent dans le vent, accrochés aux rétroviseurs du san loen che (trois roues, en chinois). Le triporteur roule un bon moment entre deux palissades vertes de chantiers. Malgré une croissance ralentie, la capitale chinoise continue de manger la campagne alentour. Monsieur Wang achète ses cartons et plastiques aux commerçants avant de les revendre au centre de tri.
Sur son engin, les caractères : « Riche et prospère ». Tout le contraire de Monsieur Chang, qui ne connaît ni les centres commerciaux rutilants, ni les écoles des périphériques intérieurs. « Sur le marché aux légumes tout à l’heure, j’ai ramassé plus de 100 kilos de cartons. Mais le prix de la matière première a baissé. Certains trichent et ajoutent de l’eau pour que ça pèse plus lourd. Mais il faut de grandes quantités et moi, je ne fais pas ça ! J’achète les cartons 70 centimes aux marchands et je les revends 1,1 yuan le kilo au centre de tri. Un matin comme aujourd’hui, je gagne un peu moins de 100 yuans, 14 euros. »

Une armée invisible
Le triporteur s’arrête sur la balance, une grande plaque en fer par terre. Il y a un petit container aux fenêtres grillagées à côté. Monsieur Chang décharge les cartons avec ses mains calleuses. Sur l’écran digital, le poids s’affiche : 75 kilos. Une tractopelle emmène la récolte du jour rejoindre la montagne de cartons à côté. 90 yuans en billets sortent de la fenêtre grillagée. Car Monsieur Chang, comme la plupart des collecteurs de déchets, n’a pas de téléphone portable. La 5G, les data, c’est bien trop cher. « Dans mon village natal, il n’y a rien à faire. Nous avons tous un petit lopin de terre cultivable, mais ce n’est pas assez pour vivre. Nous louons notre parcelle à d’autres. Si je retourne là-bas, nous n’aurons plus assez pour vivre. Et je n’ai pas de retraite, seulement une allocation de moins de 15 euros par mois. »

Monsieur Chang n’a pas le temps de se plaindre, sa femme est malade et puis travailler, cela fait de l’exercice. « Je vais continuer à ramasser les cartons tant que je suis en bonne santé », dit-il. Des travailleurs migrants, véritable armée des invisibles, qui ne disposent pas des mêmes droits que les Pékinois et pourtant champions de la lutte contre le réchauffement et indispensables à une ville de 21 millions d’habitants.

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