Reportage international

Pérou: face à la sécheresse, des canaux d’eau d'époque préhispanique réhabilités

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Au Pérou, dans les Andes, au centre du pays, une association et des habitants réhabilitent des canaux d’eau préhispaniques. Ces amunas, un mot quechua qui signifie « retenir l’eau », permettent d’apporter plus d’eau au village en période sèche, aux rivières et in fine à la ville de Lima, 100 kilomètres plus bas. 

Les amunas existent depuis plus de 500 ans.
Les amunas existent depuis plus de 500 ans. © AFP/Jesus OLARTE/AFPTV
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De notre correspondante à Lima,

Les habitants de San Pedro de Casta n’ont rien inventé. Les amunas existent depuis plus de 500 ans, comme l’explique Piero Villarroel, responsable technique du projet. « La technique date des Incas. L’idée de cette infrastructure naturelle est de recharger les aquifères et à plus long terme, alimenter les rivières », indique-t-il.

Pendant la saison des pluies, l’eau qui dévale la montagne est guidée et ralentie grâce à ces canaux de pierre, larges de 50 cm. « Le fond de l’amuna est à base de boue ou de terre naturelle à travers laquelle l’eau s’infiltre », poursuit Piero Villarroel. « Le canal est presque plat. Parce que l’idée est que l’eau stagne ici et s’infiltre. Cette infiltration recharge les nappes phréatiques et cette recharge alimente les rivières et ces rivières arrivent aux villes. »

Vingt-sept kilomètres de canaux rénovés

À San Pedro de Casta, déjà 27 kilomètres de canaux ont été rénovés. Trois mois et demi de travaux. Une centaine d’habitants mobilisés, rémunérés par l’ONG Aquafondo. Les pierres et les matériaux de rénovation sont prélevés sur place. Mais avant de lancer le projet, il y a deux ans, il a fallu convaincre les villageois.

Seuls Eufrenio, 70 ans, et quelques amis militaient depuis des dizaines d’années pour rénover les amunas. « Les gens disaient que c’étaient une folie, qu’on ne pouvait pas le faire, que l’eau allait partir ailleurs », se rappelle Eufrenio. « Mais quand il n’a pas plu pendant deux ans de suite, là les gens se sont dits qu’il fallait faire quelque chose. Alors, on a commencé. »

Un kilomètre d’amuna apporte 225 000 m³ d’eau supplémentaires par an. Et les habitants, comme Rosa, assurent voir le changement. « Avec les amunas, notre stock d’eau dure plus longtemps, au moins jusqu’en août voir octobre. Alors qu’avant ça durait moins longtemps. Seulement jusqu’en juillet. On souffre moins de pénurie qu’avant », souligne-t-elle.

Vers une alimentation en eau de Lima par les amunas ?

Ici, l’eau sert surtout aux cultures et à l’élevage, principale activité économique. En bout de chaîne, les amunas aident à alimenter la capitale. Lima. 10 millions d’habitants. Un climat désertique et un risque de crise hydrique dans les prochaines années.

« Je crois que notre expérience devrait servir d’exemple, même s’il y a encore beaucoup de choses à faire pour que le Pérou, l’Amérique du Sud et même le reste du monde puisse faire face au changement climatique », espère Eufrenio.

Seule limite de cette solution : pour récupérer l’eau, il faut qu’il pleuve. Les habitants de San Pedro de Casta continuent donc, chaque mois d'octobre, de fêter l’eau et de prier pour se souhaiter une saison des pluies généreuse.

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