Reportage international

À Silwan, des peintures murales pour résister

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À Silwan, les murs ont des yeux… mais ils ont été peints par les Palestiniens pour attirer l’attention sur leur situation. Dans cette partie de Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville sainte, l’expansion de la colonisation s’intensifie – environ 1 000 colons juifs vivent parmi les Palestiniens –, les incursions de la police israélienne ne sont pas rares, et la municipalité de Jérusalem, en raison de la proximité immédiate du quartier avec la vieille ville, cherche à construire une série de parcs touristiques sur les terres des habitants. Résultat : des centaines de familles palestiniennes de Silwan ont déjà reçu des avis d’expulsion ou encore de démolition de leur maison. Mais dans ce quartier, une autre forme de résistance s’est mise en place grâce au street art, de la peinture sur les murs.

Les peintures murales, dans le quartier arabe de Silwan à Jérusalem-Est, représentent des personnalités locales et internationales. Elles sont peintes dans le cadre du projet d'art public intitulé «I Witness Silwan».
Les peintures murales, dans le quartier arabe de Silwan à Jérusalem-Est, représentent des personnalités locales et internationales. Elles sont peintes dans le cadre du projet d'art public intitulé «I Witness Silwan». © AFP or licensors
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Un reportage de notre correspondante à Jérusalem,

Les habitations sont les unes sur les autres, les ruelles étroites, mais à Silwan, ce qui attire le regard, ce sont toutes ces peintures murales, des couleurs vives, des fleurs, des portraits et des yeux, géants, qui surplombent la ville et vous donnent l’impression d’être épiés.

« Ces yeux-là, ce sont ceux de la petite fille d’Um Nasser, qui a reçu un ordre d’expulsion de sa maison. »

La jeune femme qui parle, Manal Shreiteh, est la responsable du projet « I Witness Silwan ». Après avoir habité quinze ans dans le quartier, cette Palestinienne de Jérusalem voulait trouver un moyen d’alerter, d’aider la communauté où elle a grandi :

« Notre but principal, c’est de peindre des yeux sur les murs du quartier. Vous pouvez le voir partout quand vous vous baladez ici, à Batn-al. Ces yeux affrontent la colonisation, droit dans les yeux. C’est une manière de dire à l’occupation israélienne que nous sommes ici, dans ce quartier, que malgré les ordres d’expulsion distribués aux habitants, nous allons rester. Ces yeux regardent aussi ce qu’Israël fait aux habitants de Jérusalem en général et à ceux de Silwan plus particulièrement. C’est vrai que certaines personnes ne peuvent voir le projet que comme des dessins ou des couleurs sur les murs. Mais nous ne peignons pas seulement des fleurs, des arbres, des oiseaux typiquement palestiniens, ou les yeux des habitants du quartier, nous peignons aussi les yeux de philosophes, de militants, d’écrivains, de personnes tués par les forces israéliennes : il y a un véritable message derrière ces peintures. »

Depuis 2015, 2 000 murs de Silwan ont été décorés à l’initiative de Susan Greene, une artiste juive-américaine qui travaille avec les résidents palestiniens. Peindre, s’exprimer sur les murs, une tradition propre aux partis politiques pour faire passer des messages, qui s’est peu à peu perdu avec l’arrivée des réseaux sociaux. À cause, aussi, d’une répression plus sévère des autorités israéliennes, explique Daoud el-Ghoul, militant et guide touristique alternatif à Silwan :

« En utilisant les caméras de surveillance qui sont partout dans le quartier, si une personne peint sur le mur quelque chose de politique ou quoi que ce soit qui y soit lié, elle sera directement arrêtée à cause des caméras de contrôle. Tout ça fait partie de la stratégie générale. Et les peintures murales, si elles sont politiques, seront généralement retirées par les autorités israéliennes. S’il y a des drapeaux palestiniens, c’est la même chose, ils seront directement enlevés par les Israéliens. »

Avec ces yeux, avec ces dessins, les habitants résistent à leur façon, affirment leur présence, sans risquer de la voir effacer.

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