Immersion dans l'usine de Canadair, ces avions citernes qui luttent contre les feux de forêt
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À Calgary, à l'ouest du Canada, le constructeur aéronautique De Havilland reprend le flambeau de Bombardier pour relancer le programme Canadair, ces avions citernes qui permettent d'éteindre des incendies en y larguant de l'eau. En plus de la réparation des anciens avions, le constructeur se prépare à lancer la production d'un nouveau modèle, le DHC-515

De notre envoyé spécial à Calgary,
Le bâtiment est discret, non loin de l'aéroport international, dans la zone industrielle de Calgary, une ville de la province canadienne de l'Alberta. À l'intérieur, des couloirs et des portes entrouvertes sur des bureaux : on y aperçoit quelques ingénieurs qui travaillent sur des schémas en noir et blanc complexes de moteurs et d'avions.
D'ici à quelques mois, cet immeuble du constructeur aéronautique canadien De Havilland va connaître un regain d'activité. Des centaines de travailleurs viendront participer et veiller à la production du tout nouveau Canadair, le DHC-515. Le Canadair, c'est un modèle d'avion citerne, le plus célèbre du genre, capable de recharger ses cuves de 6 100 litres en 15 secondes et sans se poser, en effleurant à 160 km/h un plan d'eau. L'eau jetée est souvent d'une couleur rouge, un colorant naturel pour pouvoir déterminer du ciel les zones déjà arrosées.
Un avion flambant neuf
Le premier avion citerne sera produit plus de dix ans après le dernier DHC-415, en 2015. Faute de commande, le programme de production avait été arrêté par Bombardier, mais avec le dérèglement climatique, les feux de forêt et le rachat du projet en 2016 par De Havilland, tout a été relancé. Les clients sont plutôt situés en Europe.
Une grande partie des pièces du DHC-515 sont produites à Victoria, dans la province limitrophe de la Colombie-Britannique. Elles seront ensuite assemblées dès la fin d'année prochaine dans un immense hangar blanc, adjacent au bâtiment De Havilland de Calgary. La visite guidée est assurée par Gerry Kelly, vice-président en charge de la production, qui ne peut être cité dans les médias.

Le hangar est divisé en deux zones : à droite, les ailes de l'avion seront assemblées à la main, soutenues par d'immenses grues et structures déjà présentes en ce milieu d'année 2023. Des couches de métal composeront un mille-feuille rigide et léger, pour assurer la résistance des ailes, même lorsqu'elles seront très sollicitées, lors des manœuvres des pilotes au-dessus des brasiers. L'espace de gauche est consacré au fuselage, et le tout sera ensuite assemblé dans la foulée, « comme des Legos », s'amuse un responsable sur place.
De l'extérieur, les différences avec le DHC-415 seront minimes. C'est à l'intérieur, pour les pilotes, que tout change. « Les principales améliorations se concentrent principalement sur le cockpit, avec un nouveau système électronique [...], sur un air climatisé performant, une grosse demande des clients, et sur des revêtements anti-corrosion plus efficaces », décrit Jean-Philippe Côté, vice-président du groupe De Havilland.
Dans le hangar, une grande grille d'évacuation permettra de tester en direct le largage des eaux contenues dans les cuves de 6 100 litres, la même capacité que le DHC-415.
Réparer de vieux coucous
L'un des gros avantages de relancer la production d'un nouveau Canadair, c'est que les 160 actuellement en vol dans le monde, certains depuis plus de 50 ans, pourront profiter de ses pièces détachées. « On en parle souvent avec nos clients. Grâce à la remise en route de toute la chaîne de production du DHC-515, on pourra prolonger la durée de vie de nos appareils, c'est quelque chose auquel on tient beaucoup », affirme le vice-président.
Les hangars de réparations et de rénovation des anciens modèles sont situés à quelques kilomètres du lieu de production du nouveau Canadair. Sur site, un immense DHC-215 est en train d'être transformé de fond en comble pour devenir un DHC-215-T : on change les deux moteurs et l'électronique, on fait de la maintenance… une dizaine d'ouvriers s'affairent en sifflotant par-dessus de la musique crachée par une petite enceinte portable et ponctuée par le bruit des visseuses.

Comme pour une grande partie de la production du DHC-515, les rénovations sont effectuées à la main : les dizaines de milliers de petits rivets, ces vis très rigides, sont fixées un à un par les ouvriers. La rénovation est longue, confirme Jean-Philippe Côté : « C'est très intense en travail, typiquement, on prend plus d'un an de travail pour faire la conversion. Énormément d'heures sont investies, parce qu'on doit d'un enlever beaucoup de composants à remettre à jour, les changer et refermer l'avion. » Un travail d'orfèvre qui a un coût : le prix d'un Canadair est estimé entre 30 et 60 millions de dollars américains, selon les options.
D'ici à début 2027, quand l'usine de production aura atteint tout son potentiel, le constructeur De Havilland espère pouvoir produire une dizaine d'avions par an, pour répondre à une demande grandissante.
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