Reportage international

Au Japon, la rentrée scolaire entraîne des vagues de suicides chez les enfants

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Au Japon, les autorités sont en état d'alerte : le ministère de l'Éducation, des directions d'écoles, des parents d'élèves et des associations de prévention du suicide sont mobilisés, car tous les ans, au moment de la rentrée scolaire, l'archipel déplore une envolée du nombre d'enfants et d'adolescents qui commettent l'irréparable en mettant fin à leurs jours. 

Des collégiennes rentrent chez elles après l'école à Tokyo, le 15 mars 2022.
Des collégiennes rentrent chez elles après l'école à Tokyo, le 15 mars 2022. © KAZUHIRO NOGI / AFP
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De notre correspondant à Tokyo, 

L'an dernier, 514 Japonais âgés de moins de 18 ans se sont suicidés. Depuis que les statistiques en la matière existent, en 1980, jamais ce bilan macabre n'avait été aussi élevé. Mais c'est une tendance lourde dans ce pays. Année après année, le nombre de mineurs qui font le choix de mourir augmente alors que dans le même temps, on compte de moins en moins de petits Japonais en raison de la dénatalité.

Depuis la fin août, Yukisei Ozora et ses collègues d'une association de prévention du suicide distribuent des tracts dans les grandes gares du pays. « L'an dernier, début septembre, une soixantaine d'enfants et d'adolescents se sont suicidés tellement ils avaient peur de retourner en classe à cause du harcèlement scolaire ou parce qu'ils craignaient de ne pas être à la hauteur en termes de résultats, explique Yukisei Ozora. Ce cauchemar se reproduisant tous les ans, il faut à tout prix sensibiliser les parents et leur rappeler combien, à cette période de l'année, ils doivent vraiment être attentifs à leurs enfants. »

Les enfants qui, au Japon, quand ils ne vont pas bien, peinent à verbaliser leur mal-être. Pour Junko Sakaï, qui est conseillère pédagogique, c'est un des nœuds du problème : « Les études montrent qu'un jeune Japonais sur trois qui broie du noir n'en parle à personne. Au lieu de demander de l'aide, il se replie sur lui-même. C'est culturel pour ainsi dire. Au Japon, où le collectif prime toujours sur l'individu, se confier n'est pas facile, car parler de soi est souvent mal vu. C'est considéré comme se mettre en avant. »

Dans l'archipel, le réflexe qui est attendu quand on est confronté à des difficultés, c'est de serrer les dents, à l'image de ces deux écoliers : « L'école, je n'adore pas. Je l'avoue. Mais bon, j'essaie de m'accrocher et de garder le sourire. » « Quand je n'en peux plus à l'école, je me dis : "Allez, mon gars, sois un grand garçon et ça finira par aller mieux". »

La peur d'échouer

Pour cet assistant social qui intervient dans les écoles, le système éducatif nippon manque terriblement d'humanité : « Cette obligation de perfection qui pèse en permanence sur nos enfants est déraisonnable. On devrait aussi, et davantage, leur dire qu'ils ne sont pas des robots, qu'ils ont le droit, à la fois, d'être à bout et de commettre des erreurs. »

La peur d'échouer. Cette explication revient en boucle dans les lettres laissées par les enfants et les adolescents japonais qui ont mis fin à leurs jours. Selon les spécialistes, cette hantise de ne pas incarner l'excellence qui est exigée de tous dans le pays, et y compris les plus petits, explique aussi en grande partie pourquoi près de 250 000 mineurs sont en refus de scolarisation, l'idée même d'aller en classe leur étant insupportable.

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